mardi 29 avril 2014

Les Trois Royaumes (John Woo, 2008)


Le ministre Cao Cao (Zhang Fengyi) pousse l'empereur de Chine à déclencher la guerre contre deux seigneurs, Liu Bei et Sun Quan. Zhuge Liang (Takeshi Kaneshiro), le stratège de Liu Bei, lui recommande de s'allier à Sun Quan et sympathise avec le général de Sun, Zhou Yu (Tony Leung).

Note : cette critique ne porte que sur le montage international de 140 minutes. Elle sera peut-être complétée si l'occasion se présentait de découvrir le montage de 4 heures 30 ( ! ).

La critique oppose souvent les films de John Woo et de Tsui Hark ; moins que leurs univers respectifs, très différents, leurs parcours invitent à la comparaison : tous deux ont eu une période américaine, décevante (mais ou contrairement à son rival, Woo signa une réussite majeure : Volte-Face) avant de retourner en Chine, ou le succès de Tigre et Dragon avait entre-temps permis la mise en chantier d'un bon nombre de grandes fresques esthétisantes, allant du médiocre (Le Secret des poignards volants) à irregardable (Wu Ji, La Cité Interdite). Là ou comme souvent Tsui Hark produisit un film en réaction à la mode (le bancal mais intéressant Seven Swords), John Woo tente de conjuguer ses thèmes personnels de l'amitié et de l'honneur dans une grande fresque à la mise en scène plus classique que celle de ses polars. A l'arrivée, si le contrat est rempli question grand spectacle et si il surpasse très largement Zhang Yimou et consorts dans ce registre, le film traîne comme un boulet son montage qui le prive de ce qui rendait si précieuses les grandes réussites passées de Woo : leur perfection dramaturgique.



Les Trois Royaumes version courte pourrait faire penser au montage d'une heure et demie des 7 samouraïs de Kurosawa : la maestria reste présente mais l'absence de liant se fait cruellement sentir et empêche en partie l'empathie avec les membres de la coalition. Ici, on nous présente une galerie de généraux qui se révèlent interchangeables et seuls 4-5 personnages ont un minimum de relief, ce qui fait peu pour une oeuvre de cette durée. Tony Leung et Takeshi Kaneshiro sont corrects même si on les a connu plus étincelants, toutefois ils parviennent à faire des quelques moments de face-à-face entre eux (dont le superbe interlude musical) les passages intimistes les plus réussis du film. Chang Chen en revanche est saisissant en jeune seigneur et son intensité de jeu s'avère impressionnante, tandis que Zhang Fengyi fait un très bon méchant échappant à la caricature. Les Trois Royaumes tâtonne longtemps mais parvient à se trouver lors du dernier quart d'heure dans lequel on retrouve - enfin - les grands thèmes chers à John Woo (la prise d'otage, le respect mutuel, l'amitié contre le pouvoir).


Une grande partie du film tourne autour de la stratégie militaire et des différentes ruses employées par les deux camps. Si Woo se sert habilement du montage (belle idée de montrer les deux préparatifs simultanément) ou de l'effet de surprise (l'attaque des navires dans le brouillard) ce schéma finit par être un peu redondant et les grandes planifications stratégiques ne sont malheureusement guère cinégéniques. En revanche, leur exécution est parfois bluffante comme lors de la bataille ou la cavalerie ennemie est encerclée et qui reste le grand moment de bravoure ; le dernier combat vaut bien quant à lui n'importe quel moment comparable de la trilogie du Seigneur des anneaux. On sera plus sceptique devant une musique pompière, un emploi des effets spéciaux pas toujours réussi (mais moins gênant que chez Tsui Hark) et un usage du ralenti durant la première partie qui vire au tic désincarné, mais on admirera en revanche l'audace politique d'un film qui plutôt que de glorifier l'impérialisme chinois comme un vulgaire Hero préfère s'attacher à des figures de héros indépendantistes, point qui fut curieusement beaucoup moins souligné que la conclusion moins frontale et plus ambiguë d'un Detective Dee. Les Trois Royaumes n'est pas le grand retour de John Woo, mais il demeure très au-dessus de ses tentatives américaines hors Volte-Face, et la fresque épique asiatique la plus convaincante depuis longtemps.

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