lundi 14 avril 2014

Dillinger, l'ennemi public n°1 (Max Nosseck, 1945)


Dillinger (Lawrence Tierney) commet un braquage minable qui le conduit tout droit en prison. Il y rencontre un gangster aguerri, Specs Green (Edmund Lowe) et ses trois comparses. Dillinger est libéré et permet au gang de Specs de s'évader, ce qui lui vaut d'y être intégré afin de dévaliser des banques. Très vite, Dillinger et Specs se disputent le commandement. 

Le premier film à évoquer directement la vie du gangster, et certainement pas le plus mémorable. Il y a une pauvreté manifeste du budget et la mise en scène s'avère dramatiquement incapable de transcender son sujet. Rien d'un tant soit peu spectaculaire et on rêve de ce qu'aurait pu donner le film entre les mains d'un Joseph Lewis, d'un Karlson ou de tout artisan de la série B doté d'un minimum d'envergure. Les rares moments d'action sont scandaleusement volés à d'autres films - il y a bien la fameuse séquence du J'ai le droit de vivre de Fritz Lang, mais il est clair que les poursuites en voiture viennent également d'autres productions - et si on ne garde que ce qui vient de Nosseck, ne restent qu'environ une heures de dialogues platement filmés et développant des situations archétypales du film de gangster.



Le scénario est signé Phillip Yordan mais selon Bertrand Tavernier, il s'agit comme souvent d'un prête-nom, le film ayant vraisemblablement été écrit par un journaliste. Il contient un certain nombre d'éléments intéressants : l'évasion - réelle ! - avec un pistolet en bois, la rencontre avec le gang Pierpont en prison (les noms ont tous été changés mais l'amateur les reconnaîtra sans peine) mais l'ensemble est traité avec un tel conformisme que chaque scène voit son potentiel réel massacré. Le train dans lequel le dernier vol a lieu sent le studio comme rarement et la mise en scène trop serrée semble en permanence vouloir masquer la vétusté des décors ; la rencontre avec le noir en prison (encore basée sur un fait réel : Dillinger s'est évadé en compagnie d'un noir nommé Youngblood, ce qui est d'ailleurs mentionné dans les films de Milius et Mann) n'aboutit qu'à une sorte de stéréotype quasiment raciste ; les conflits d'autorité entre Dillinger et Specs sont prévisibles et inintéressants. Anne Jeffreys est tout à fait charmante mais on a rarement vu un personnage féminin aussi peu étoffé, comparativement Chang Cheh serait Almodovar ou Mizoguchi. Globalement, ce qui est le plus pénible reste le caractère excessivement moralisateur du film. Cet aspect n'a jamais été totalement absent du film de gangsters (le carton introductif du Scarface de Hawks ou son sous-titre " la honte d'une nation ", le prêtre représentant le bien dans Les Anges aux figures sales) mais il y avait dans leurs personnages de gangsters une flamboyance, une séduction qui nécessitait un contrepoint. Ici Lawrence Tierney n'est pas tant un mauvais acteur - il possède une réelle présence physique - qu'un mauvais Dillinger : massif, sournois, pataud et rustre, il est l'antithèse du Dillinger charmeur et joueur qui fit du gangster un équivalent de Jesse James aux yeux de la population. En lui déniant tout charme, toute qualité humaine, l'histoire se saborde puisque jamais on n'éprouve pour lui l'attachement minimal qui permet l'empathie du spectateur.



Alors certes, les 70 minutes passent à tout vitesse et le film de Nosseck va du point A au point B sans temps morts. Mais on est souvent gêné par le simplisme qui s'en émane, à l'image d'une scène finale qui transforme une embuscade ou le FBI prit le bandit par surprise en charge désespérée (et, il faut le dire, incroyablement idiote) de celui-ci contre de braves agents en légitime défense. On retient principalement une jolie galerie de seconds couteaux (Elisha Cook Jr est décidément toujours là quand on évoque Dillinger, mais Edmund Lowe fait un très bon Specs) mais en accumulant les stock-shots et en caricaturant le gangster pour lui ôter toute ambiguïté, Max Nosseck se prive du capital sympathie qu'on réserve à des séries B plus honnêtes ou plus originales, d'autant plus quand la mise en scène est aussi limitée qu'ici. Dommage.


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