jeudi 24 avril 2014

Le Retour de Ringo (Duccio Tessari, 1965)



Montgomery Brown, alias Ringo (Giuliano Gemma) rentre chez lui alors qu'il est présumé mort au combat contre les sudistes. Il découvre que deux frères mexicains, Esteban (Fernando Sancho) et Fernando (George Martin) font régner la terreur dans la ville.

Dans l'histoire du western italien, Le Retour de Ringo est un cas unique. Il est l'une des très rares suites directes à conserver le réalisateur et l'acteur du premier opus, avec Le Retour de Sabata ; mais là ou les autres tenteront généralement de bénéficier du succès de l'original en calquant ses recettes, le Retour de Ringo est l'exact contrepoint d'Un Pistolet pour Ringo. Celui-ci était léger, bondissant, ironique et décontracté ; son successeur se veut sérieux, sobre et dense. On retrouve les deux acteurs principaux d'Un Pistolet pour Ringo, Giuliano Gemma en héros et Fernando Sancho en méchant mais l'un comme l'autre s'appliquent à faire le contraire de ce qu'on pouvait attendre d'eux. C'est un véritable sabotage qu'on pardonne pour une raison très simple : Ringo est un personnage bien moins intéressant qu'un Django ou un Sartana. Il serait doublement absurde de s'offusquer de cette trahison : d'abord parce qu'elle témoigne d'un certain courage de Tessari (certes un réalisateur assez mineur mais un scénariste de premier plan) de changer aussi radicalement de registre et ensuite parce qu'Un Pistolet pour Ringo était un film assez faiblard là ou son successeur se révèle finalement une bonne surprise, et l'un des films les plus agréables de son réalisateur.



Quelques années avant le Django porte sa croix de Castellari, Tessari tente une relecture audacieuse d'un classique littéraire puisque son film n'est rien de moins qu'une modernisation de l'Odyssée d'Homère ; ainsi Ringo, supposé mort à la guerre, rentre chez lui pour découvrir que des pillards mexicains se sont appropriés les terres, oppriment les honnêtes gens et que leur chef tente de contraindre la femme de Ringo à l'épouser. Déguisé en mendiant comme Ulysse, Ringo trouve en quelques compagnons de fortune - un shérif déchu, un fleuriste et un indien - les Eumée et Philetios du western spaghetti pour une vengeance mûrement préparée. Il faut louer une interprétation générale de bonne facture : Giuliano Gemma est décidément l'un des héros de série B les plus attachants du western transalpin et pour une fois, même Fernando Sancho refrène intelligemment ses habituels excès cabotins. George Martin fait un bon chef de clan à la fois sournois, élégant et menaçant, tandis que le rôle accordé à Nieves Navarro montre une nouvelle fois la volonté de Tessari d'étoffer les personnages féminins en proposant des figures plus complexes et plus ambiguës que celles habituellement proposés par ses collègues au sein du genre.



Malheureusement, il manque plusieurs choses pour faire du Retour de Ringo une vraie réussite. Comme Un Pistolet pour Ringo, son rythme est très inégal et il accuse un énorme coup de mou durant le deuxième tiers, Ringo passant près d'une heure à subir en serrant les dents sans faire grand chose de concluant. Les méchants sont bien trop faiblement écrits et se résument à deux frères profiteurs accompagnés d'une armée de sbires très bêtes, tandis que les sidekicks de Ringo ne sont guère plus favorisés : on ne comprend absolument pas ce que l'indien fait là, le fleuriste est censé apporter un comique qui ne fonctionne pas et le shérif est trop vite évacué du récit. Ce déficit d'écriture des personnages secondaires tire le film vers le bas d'autant plus que si la mise en scène de Tessari est plus rigoureuse que sur Un Pistolet pour Ringo, elle est très loin de faire de lui un rival de Corbucci ou Damiani, sans parler de Leone. En revanche, la musique de Morricone et notamment le thème Beacause we are fearless men est une perle cachée dans la pléthorique discographique du compositeur qui mériterait une plus ample reconnaissance. Le Retour de Ringo n'est pas une pépite comme peuvent l'être Tire encore si tu peux, Et le vent apporta la violence ou El Chuncho mais demeure l'un des bons crus du genre. Pas totalement convaincant, mais original et agréable.

2 commentaires:

  1. +1 pour le Morricone, merci pour cette decouverte.Une musique comme ça, ça donne envie de voir n'importe quoi.

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  2. J'ai eu la chance d'assister à un concert de Morricone il y a quelque chose comme sept ans, et j'avais discuté avec un fan de la première heure qui se plaignait justement de ne jamais pouvoir entendre ce thème dans les concerts. J'ai complètement occulté ça de mon cerveau pendant tout ce temps, et ce n'est qu'en voyant le film que tout ça m'est revenu ; avec le recul, ce brave homme avait parfaitement raison.

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