mardi 1 avril 2014

Highlander Endgame (Douglas Aarniokovski, 2000)



Depuis qu'il n'y a plus aucun immortel du fait de la victoire de Connor (Christophe Lambert) dans Highlander 1, ceux-ci sont beaucoup plus nombreux. Connor prévient Duncan (Adrian Paul) du danger qu'ils courent : Jacob Kell est en voie de devenir l'Immortel le plus puissant de la terre. Or, il faut une alliance d'Immortels pour affronter Jacob et deux la font.

Il y a des œuvres qui sont au-delà des mots, au-delà du langage. La série Highlander traitait déjà en filigrane du thème de l'effacement : dans les dernières saisons, Adrian Paul disparaissait de la circulation l'espace de plusieurs épisodes. Ce qui fut interprété par des fans crédules comme un banal conflit de production traitait en réalité de la tentation de l'évaporation comme c'était le cas dans l'oeuvre du romancier Kobo Abe. Tout le film est à l'image de cette thématique à ceci-près que s'y greffe un passionnant jeu sur les faux semblants. Lors de la scène introductive, alors que Duncan s'inquiète avec beaucoup d'a-propos de l'état de son sandwich ( " il est radin sur le ketchup ! " ), Connor l'avertit du danger les guettant d'un laconique " Duncan.... fais attention à toi ! ". Là ou un cinéaste moins talentueux aurait crée une séquence plombante et surchargée, Douglas Aarniokovski a le brio de faire passer le message dans un moment plus léger, qui crée un double suspens : on ne sait pas si Duncan va survivre et si c'est le cas, on se demande si il ne préférera pas prendre de la moutarde.



Les grands artistes ont souvent été passionnés de numérologie, le cycle des Dieux de Bernard Werber en témoigne ; on se souvient avec émotion du 9 suivi par le 10 lui-même suivi par le 111 dans l'évolution humaine. Douglas Aarniokovski ne fait pas exception à la règle et la thématique de Jacob Kell réincarnation de Satan y est traitée avec brio : Jacob a décapité 660 immortels plus ses 6 disciples ; mais un twist final exceptionnel (indispensable au point d’être absent de la version américaine) vient révéler que l'une des 6 est encore en vie. Jacob a donc bien décapité 665 immortels ce qui prouve.... Absolument rien ! A l'instar de Michelangelo Antonioni filmant la poitrine nue de Jane Birkin dans Blow Up, Aarniokovski n'ignore rien de la fascination engendrée par le vide.

Le film se place dans la continuité de la série télévisée (il faut dire que si on suit la continuité cinématographique, Connor meurt avant de faire deux nouveaux films et ce serait un peu ennuyeux) dont il reprend l'acteur principal et les règles, enfin quelques unes. Les immortels ne peuvent pas utiliser d'armes à feu ? On tire dans le tas. Ils ne peuvent se battre à un contre plusieurs ? Allons-y gaiement à six contre un. Ils ne peuvent tuer sur un sol sacré ? Organisons la tuerie centrale dessus. Les esprits chagrins se sont offusqués que les scénaristes n'en aient rien à battre comme un Bertrand Cantat célibataire mais il faut y voir l'oeuvre d'un poète qui s'affranchit des normes narratives. Highlander endgame est un film fonctionnant comme les contes de fée selon la règle du double degré de lecture. Quand Joe Dawson abat le chef des Guetteurs en lui disant " Joyeux Noel, et bonne année ", notre réaction initiale est l'incompréhension devant le fait qu'il n'y ait ni Noel ni Nouvel An. En réalité, on se rend compte a posteriori qu'on ne savait de toute façon déjà pas pourquoi il abattait le type en question. Un non-sens caché derrière un non-dit demeure l'une des plus saisissantes innovations cinématographiques apportées ici.



Le scénario regorge d'idées brillantes : les Immortels cachés dans un monastère gardé uniquement par des mortels ont sans doute trouvé le lieu de protection idéal, mais la mise en scène est à la hauteur entre inserts érotiques bienvenus et gros plans systématiques sur les chaussures de Bruce Payne (peut-être dans une optique méta-filmique à l'instar de la scène d'Highlander 3 ou on voit Christophe Lambert dans une barque en train de ramer). Le fabuleux morphing de fin conduisant Adrian Paul a s'exprimer avec la voix de Christophe Lambert vient couronner ce florilège de grandes idées ; son sourire nous rappelle qu'il conclurait la décennie en beauté (enchaîner ce film et Vercingétorix relève de la performance) tandis qu'Adrian Paul a eu une belle carrière puisqu'on a pu le retrouver dans un Higlander V ma foi fort prometteur.

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