dimanche 16 novembre 2014

Shanghai Grand (Poon Man-Kit, 1996)



Hui Man-keung (Leslie Cheung), membre d'un groupe d'indépendantistes taïwanais, voit ses compagnons être assassinés et échappe de peu à leur sort. Il rencontre Ding Lik (Andy Lau) avec lequel il s'allie pour former une association de gangsters, mais Hui et Ding Lik finissent par découvrir qu'ils aiment la même femme.

Poon Man-Kit n'a réalisé que deux films disponibles aujourd'hui dans nos contrées : Le Parrain de Hong Kong et celui-ci, tous deux relevant du registre de la fresque mafieuse. Le premier, en dépit d'une belle prestation de Ray Lui et d'une reconstitution très soignée, était lourdement handicapé par sa longueur et son académisme qui donnaient l'impression de voir une copie de Scarface privée de souffle. Shanghai Grand se révèle plus agréable, en partie car il échappe à cet aspect sclérosé par le biais de moments de sadisme (le massacre des taïwanais) ou de délire (Andy Lau attaqué par un python). Sans être le plus brillant des réalisateurs ayant travaillé pour la Workshop, Poon Man-Kit se révèle ici tout à fait capable d'orchestrer une scène à suspens tendue ou une fusillade de rue. Le rythme y est maintenu jusqu'au bout et la belle photographie typique des productions Tsui Hark rend Shanghai Gtrand tout à fait plaisant visuellement, moins daté que certains polars d'époque ; la reconstitution du Shanghai des années 30 est aussi agréable à l’œil que le thème musical l'est à l'oreille, et la séquence ou nos héros se font tabasser avant que Leslie Cheung ne dégaine un flingue sorti de nulle part est mémorable.



Si Shanghai Grand est convaincant rythmiquement et visuellement, il l'est beaucoup moins sur le plan scénaristique. En premier lieu, le personnage d'Andy Lau est clairement moins intéressant que celui de Leslie Cheung, d'ou un binôme déséquilibré. Les coïncidences narratives s'accumulent (Cheung qui connait Ching Ching sans savoir qu'elle est aimée de Lau, le lien entre le père de celle-ci et l’exécution des taïwanais) et se concrétisent dans une scène finale qui peine à se justifier : la rivalité fratricide n'a plus lieu d'être et le tragique apparaît comme forcé. L'introduction de l'activiste qui finit par attaquer Andy Lay n'est pas non plus très convaincante, et si l'idée d'entrecouper le film d'un long flashback sur l'histoire de Leslie Cheung est originale, elle se révèle assez laborieuse dans son déroulement. On a parfois le sentiment que le problème est exactement inverse par rapport au Parrain de Hong Kong : si celui-ci était trop attentiste et poseur, ici subsiste souvent l'impression que le matériel scénaristique aurait nécessité un film plus long et qu'à vouloir tout condenser en une heure et demie, Poon Man-Kit finit par s’emmêler les pinceaux (la série dont est tiré le film durant quand même 23 épisodes).



Bien aidé par un personnage intriguant et charismatique, Leslie Cheung réalisé une excellente prestation tandis qu'Andy Lau semble moins à son aise. En revanche, la composition de Ling Jing est beaucoup plus problématique et on peine à comprendre la fascination qu'elle exerce sur les protagonistes masculins, au contraire de la vénéneuse Almen Mui-ha Wong au personnage délicieusement outrancier - portant la marque du producteur Tsui Hark dont la filmographie est remplie de personnages féminins extrêmement forts -.
Contrairement au Japon ou aux Etats-Unis, Hong-Kong n'a que peu fréquenté le territoire de la fresque mafieuse (on exclue le cas des heroïc bloodshed, qui sont des films d'action avant d'être des études sur la criminalité) et n'a pas donné d'équivalents sur le plan qualitatif aux sagas Le Parrain ou Combat sans code d'honneur. Toutefois, ce Shanghai Grand fait partie des tentatives les plus réussies avant que Johnnie To n'impose sa marque sur le genre et lui donne les grands films que l'on connait aujourd'hui (The Mission, Election 1 et 2, Exilé) et on peut remercier les équipes de HK Video d'avoir eu l'excellente idée de le placer dans les bonus du double DVD de Gunmen.

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