jeudi 13 novembre 2014

Quand les aigles attaquent (Brian G. Hutton, 1968)


En 1944, le major anglais Smith (Richard Burton) et le lieutenant américain Schaffer (Clint Eastwood) mènent une escouade de sept hommes chargée de délivrer un général américain capturé par les nazis et emprisonné dans un château en Autriche. Mais il apparaît rapidement que les allemands ont des espions au sein du commando.

Les films de commando les plus emblématiques (Les Douze salopards d'Aldrich, Enfants de salauds d'André De Toth) créent la plupart du temps un suspens lié aux fortes caractérisations des personnages : repris de justice, violeurs, psychopathes et autres baroudeurs sont souvent convoqués pour accomplir une mission ensemble... Si toutefois la fine équipe parvient à ne pas s'entretuer avant. Quand les aigles attaquent est tout à fait différent sur ce point, pratiquement minimaliste. Tous les membres du commando sont des professionnels, et leurs interactions ne débordent pas de ce cadre. On se fiche de qui s'entend avec qui, la seule véritable question est de savoir pour quel camp travaillent réellement Smith, Schaffer et les autres, et la très longue mise en place n'est alors pas du tout gênante puisqu'on comprend qu'elle est l'occasion pour chacun d'avancer ses pions sur l'échiquier, jusqu'à une confrontation générale à la tension exemplaire. Encore une fois, Clint Eastwood demanda au réalisateur de lui épargner le maximum de lignes de dialogues, choix qui fait encore mouche pour une raison diamétralement opposée à celles justifiant son mutisme léonien : ici, Schaffer est sans doute le personnage disposant du moins d'informations comme d'appuis (il est le seul américain d'un commando anglais parachuté en pleine Autriche, situation guère enviable) et donc une personnalité en retrait - dans un premier temps - auquel le spectateur s'identifie puisqu'il est celui dont la fiabilité est la moins douteuse, a contrario d'un Smith on ne peut plus suspect.



Si la première partie joue donc habilement sur des retournements de situation un poil complexes (il devient au bout d'un moment très difficile de distinguer les agents triples des agents quadruples ! ), la seconde est un festival d'adrénaline de plus d'une demi-heure ou nos héros alignent plus de cadavres que Chow Yun-fat chez John Woo. Il faut à ce propos rendre grâce à la mise en scène de Hutton, moins viscérale que celle d'Aldrich mais irréprochable dans sa modestie artisanale d'une efficacité redoutable. Le combat à un contre deux sur le téléphérique est d'une lenteur qui confine au sadisme (les longs plans sur le traître mort de peur, à deux doigts de faire une chute mortelle) et montre à quel point il n'y a pas besoin d'un montage hystérique pour capter l'attention du spectateur. Certains critiques ont pu reprocher au film son absence d'ellipses, le fait que les personnages ne fassent jamais cinq mètres hors-champ, mais c'est là l'une des grandes forces de Quand les aigles attaquent : le film raconte une mission, rien qu'une mission mais la totalité d'une mission. Il ne cherche aucunement à se prévaloir d'ambitions thématiques hors de propos, mais ausculte chaque étape de la progression des anglais au microscope.



Enfin, Quand les aigles attaquent profite parfaitement de son superbe décor (le château constituant le quartier général nazi est impressionnant) et déploie toute une variété de scènes d'action : dynamitage des postes stratégiques, poursuites motorisées dans la neige, fusillades dans les couloirs ou même lors d'une descente en rappel, moments d'infiltration un chouia plus subtils... On ne s'ennuie jamais et les deux heures et demie passent comme une lettre à la poste. Si Burton et Eastwood n'effectuent pas ici de prestations oscarisables, ils sont crédibles dans leurs rôles de durs à cuire intrépides et c'est bien tout ce qu'on leur demande. Minuscule bémol lié aux conventions d'époque : le fait que tous le monde s'exprime en anglais, y compris les nazis, empêche tout jeu sur le langage souvent au cœur de la mécanique des films de commando (un des meilleurs exemples récents étant Inglourious Basterds). Mais les quelques micro-réserves disséminées dans cette critique ne doivent pas occulter le grand plaisir pris devant un film formellement classique mais ayant très bien passé l'épreuve du temps, par un cinéaste qui deux ans plus tard prouvera avec De l'or pour les braves qu'il était tout aussi compétent dans la fantaisie antimilitariste que dans le film de guerre premier degré.

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