jeudi 27 novembre 2014

Aux frontières de l'aube (Kathryn Bigelow, 1987)



Un jeune fermier, Caleb (Adrian Pasdar) rencontre une jolie femme égarée, Mae (Jenny Wright). Il tente de la séduire, mais Mae le mord. Après avoir été transformé en vampire, Caleb est capturé par les compagnons de Mae : Jesse (Lance Henriksen), Diamondback (Jenette Goldstein), Severen (Bill Paxton) et Homer (Joshua John Miller). 

Deuxième film de Bigelow et début de sa collaboration avec le scénariste Eric Red, Aux frontières de l'aube marque une très nette avancée depuis The Loveless. L'univers de la réalisatrice est ici totalement en place avec tous ses thèmes récurrents : l'addiction, le tiraillement du héros entre un univers monotone et un monde de danger, la tentation du mal. Caleb est converti au vampirisme par Mae (qui avait vraisemblablement choisi de le tuer avant de changer d'avis), elle-même anciennement mordue par Homer. Ils forment avec Sarah, la sœur de Caleb, un carré amoureux : Homer, jaloux du fait que Mae lui préfère Caleb, tente de convertir Sarah en dynamitant ainsi l'équilibre précaire installé dans le groupe. Les vampires sont attachants car en dehors du fou furieux Severen, Bigelow les traite comme des figures ambiguës : Jesse et Diamondback, le couple moteur du groupe, sont vampirisés depuis si longtemps qu'ils ne se rappellent même plus leur rencontre. Homer est un vieillard coincé dans un corps d'enfant tandis que Mae, à la fois victime et femme fatale, est certainement le personnage le plus complexe du film et l'une des plus belles figures vampiriques vues au cinéma. Tous sont définis de manière minimaliste mais Bigelow et Red parviennent systématiquement à faire passer l'essentiel, comme lors de leur première chasse (Jesse et Diamondback qui s'amusent ensemble, Homer qui joue de sa fausse vulnérabilité, Severen beaucoup plus entreprenant).



Derrière la question des vampires - le mot n'est jamais employé - , il y a un groupe de dévoreurs effrénés qui consomment et consomment toujours (voir la scène du bar, interminable tuerie ou les tueurs semblent conditionnés bien plus par l'amusement que par la faim), là ou la famille agricole de Caleb se contente d'un mode de vie simple. Cette thématique est amplifiée par un visuel qui rappelle fortement le western, mais un western lent, mélancolique et atmosphérique. On trouve dans Aux frontières de l'aube de saisissantes idées : Mae nourrissant Caleb de son propre sang lorsqu'il refuse de tuer (moment d'une rare puissance érotique), les courses de Caleb brûlant progressivement au soleil, Homer qui se consume littéralement d'amour ou encore la fusillade ou les vampires ne craignent pas les balles mais les rayons lumineux que celles-ci créent en perçant les murs. La musique de Tangerine Dream est parfaite synchrone au ton général et les membres de la distribution rivalisent de charisme, de la superbe Jenny Wright au cabotin Bill Paxton en passant par le regard nostalgique de Lance Henriksen ou la souffrance d'Adrian Pasdar.


Dans Aux frontière de l'aube, la vampirisation n'est pas tant une malédiction qu'un choix de vie. Caleb peut ainsi prendre un mauvaise route - le moment ou il tente de rentrer chez lui évoque clairement la toxicomanie - mais aussi s'en détourner avec de l'aide. Le happy-end est ainsi quelque peu brutal mais en accord avec une vision relativement originale du vampirisme. Aux frontières de l'aube fera d'ailleurs école tant esthétiquement (le Vampires de Carpenter lui doit beaucoup) que thématiquement. Plus encore que l'excellent Les Prédateurs de Tony Scott, il s'agit de la réactualisation du mythe la plus aboutie des années 80 ; car si Aux frontières de l'aube est évidemment ancré dans son époque (la musique, les filtres bleutés), il aura su transcender l'air du temps pour donner l'un des classiques les plus sous-estimés aujourd'hui encore. Bon, à ce stade, il est peu probable que vous n'ayez pas compris le message : Aux frontières de l'aube est un film magnifique.

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