lundi 24 novembre 2014

Lady Yakuza 6 : Le retour d'Oryu (Tai Kato, 1970)


Oryu (Junko Fuji) retrouve la jeune Okimi qu'elle avait promis de protéger. Celle-ci est amoureuse de Ginji, un homme du clan Sanezu dont le leader cherche à s'approprier un théâtre. Oryu est sauvée d'une attaque par Aoyama (Bunta Sugawara), traqué par le clan Sanezu pour avoir frappé un de leurs alliés responsable de la mort de sa sœur.  

Si nous en sommes au sixième volet de la saga, l'intrigue de celui-ci prend en réalité la suite de celle de Lady Yakuza 3 : le jeu des fleurs, déjà réalisé par Tai Kato. Oryu est donc à la recherche de la petite fille orpheline et jure de la protéger une fois retrouvée, à ceci près que l'infâme clan Sanezu a déjà fait main basse dessus. Et comme souvent l'on assiste au cas de conscience d'un des hommes de Sanezu amoureux et aimé d'Okimi tandis qu'Oryu s'amourache d'un yakuza solitaire qui l'aidera à affronter le clan ennemi. On notera que pour la première fois, celui-ci est incarné par Bunta Sugawara qui avait joué un méchant dans le second épisode, constituant le premier cas de " promotion " là ou les habituels Ken Takakura et Koji Tsuruta étaient quant à eux abonnés aux rôles de gentils. Le choix de Sugawara est doublement pertinent, d'abord parce qu'il se révèle tout à fait à la hauteur de ses prédécesseurs et que sa relation avec Oryu est l'une de celles qui fonctionnent le mieux de la série, ensuite parce que Sugawara n'est pas sans dégager une forme de brutalité ambiguë qui donne un certain relief à son personnage.



On peut juger Lady Yakuza 6 selon deux critères, son scénario ou sa mise en scène. L'appréciation générale dépendra fortement de l'importance qu'on attache à chacun d'eux car il s'agit à la fois d'un des plus brillants ninkyos sur le plan formel, mais aussi d'une énième resucée de tous les thèmes déjà entrevus auparavant. Encore une fois, on ne coupera pas à une séquence de jeu de cartes remportée par Oryu malgré les tricheries adverses, encore une fois le chevalier servant lui sauvera la vie avant une scène de romance sur un pont, encore une fois le " bon " parrain yakuza mourra assassiné traîtreusement mais demandera à ses hommes de ne pas le venger,  encore une fois Kumatora apparaîtra trois minutes pour casser la figure à quelques malandrins. Il semble que Suzuki soit arrivé au bout des combinaisons narratives possibles et se contente de répéter inlassablement les mêmes formules, avec parfois quelques micro-variations (les artisans ou paysans molestés par le mauvais clan deviennent des acteurs de théâtre). Ceci dit, l'histoire y est relativement plus sèche que d'habitude (personne ne finit totalement épargné) et atténué légèrement l'altruisme hors du commun dont Oryu semble incapable de se départir.



Si Kato Tai ne bénéficie donc pas d'un script lui permettant de signer un grand yakuza-eiga, il réalise toutefois ce qui est peut-être la plus belle mise en scène de la saga, encore supérieure à celle de son excellent épisode 3. Chaque plan serait à étudier en école de cinéma tant sa science du cadre y est incroyable, Tai n'hésitant pas à multiplier les longs plans fixes dynamisés par les mouvements des personnages à l'intérieur tel ce moment de bravoure de sept minutes durant lequel la jeune Okimi finit par reconnaître Oryu. Rares sont les cinéastes capables de donner autant d'intensité sans bouger leur caméra (Kobayashi ? Ozu ?) et les plans déroutants filmés depuis le sol finissent toujours par se révéler d'une grande pertinence. Les séquences sous la neige sont magnifiques et Tai surprend encore lors du catharsis final ou un montage plus sec, une nervosité bienvenue et quelques giclées de sang bien placées achèvent de transformer la conclusion en grand moment de bravoure.
Du coup, ce Lady Yakuza 6 nous apparaît comme un bon cru global (surtout après les médiocres épisodes 4 et 5) ou le sens visuel de Tai Kato vient élever un ensemble de situations convenues et archétypales.

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