dimanche 1 février 2015

Strange Days (Kathryn Bigelow, 1995)


A la veille de l'an 2000, Lenny Nero (Ralph Fiennes), un ancien policier sans importance, a sombré depuis sa séparation avec Faith (Juliette Lewis). Il reçoit la visite d'une proche de Faith, Iris, qui lui confie un film avant d'être assassinée. Nero et son amie Mace (Angela Bassett) découvrent qu'un complot autour de l'assassinat d'un rappeur pourrait impliquer l'ensemble de la police.

En dépit de ce que peut penser Nanni Moretti (ou en tout cas de l'énervement qu'il témoigne contre le film de Bigelow dans son Aprile), Strange Days est un film extrêmement intéressant dans lequel le génie côtoie le plus discutable. Sur le plan de la mise en scène, il s'agit d'une véritable démonstration de force de sa réalisatrice qui après un Point Break déjà exemplaire sur cet aspect vient ici confirmer sa place parmi les plus grands cinéastes d'action. Si l'on retient à juste titre la virtuose scène d'ouverture en caméra subjective dans laquelle le spectateur est embarqué au sein d'un casse qui tourne mal, tout aussi spectaculaire est la séquence durant laquelle Iris échappe aux flics lancés à sa poursuite ; en dehors de ces moments épousant un point de vue particulier, on notera également la poursuite dans le métro digne de French Connection ou l'affrontement sur le balcon qui réjouira tous ceux qui comme moi pensent que la cravate est une des inventions les plus néfastes de tous les temps. Si parfois Bigelow cède légèrement au pompiérisme (l'abus de ralenti durant les scènes de fin), il n'en demeure pas moins que Strange Days contient bon nombre de scènes capables à elles seules d'en justifier le visionnage.


Sur le plan du scénario - que l'on doit à James Cameron -, l'ensemble est plus inégal. Curieusement, la partie romance convainc d'avantage que le thriller technologique, en grande partie du fait de l'écriture originale du personnage de Ralph Fiennes. Faible, pleurnichard, pathétique et franchement masochiste, il compose un héros relativement inhabituel qui n'a de cesse d'être sauvé par une femme noire à la force digne de la Linda Hamilton de Terminator ou de la Sigourney Weaver de Aliens. La dépendance de Lenny aux films qu'il revend et sa manière de vivre par procuration en se repassant en boucle des bribes de son histoire d'amour font qu'on s'attache énormément à ce pauvre type aussi maladroit qu'héroïque quand il le faut. Globalement, le film est très bien joué avec une formidable Angela Bassett en femme androgyne, une convaincante Juliette Lewis et quelques seconds rôles qu'on apprécie particulièrement (Tom Sizemore, William Fitchner, Vincent d'Onofrio). En dépit d'un climat général tendu voire paranoïaque, les quelques tentatives plus humoristiques fonctionnent très bien ( " il a le cul tellement serré que quand il pète, y a que les chiens qu'entendent " ), tout comme les scènes musicales qui nous permettent d'entendre Juliette Lewis chanter - avec talent - du PJ Harvey.



Toutefois, d'autres facettes de Strange Days sont plus perfectibles. Le happy-end final est horriblement frustrant et tout ce qui avait été amorcé autour des tensions raciales, du risque d'émeute et de l'apocalypse liée à l'an 2000 retombe comme un soufflé. Les scènes de foule avec des figurants à dreadlocks ont un côté New Age extrêmement daté, tandis que la recherche du violeur-tueur est non seulement prévisible mais en plus totalement tirée par les cheveux (le plan du méchant est franchement idiot). Mais c'est surtout au niveau du rythme que l'ensemble pêche : passée les cinq minutes fantastiques d'introduction, le film s'enlise et il faut attendre une bonne heure pour que les personnages commencent enfin à s'agiter. Sans doute quelques scènes auraient méritées d'être coupées au montage, notamment celles ou Ralph Fiennes harcèle Michael Wincott et Juliette Lewis et qui finissent pas être redondantes. Strange Days est un de ces curieux films ou la somme des parties est probablement supérieure au tout qu'elles forment en l'état. Néanmoins, il s'agit encore une fois d'un très bel effort de Bigelow dont l'échec au box-office apparait comme extrêmement injuste. Il demeure également l'une des rares réussites du cyberpunk au cinéma.

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