jeudi 5 février 2015

None Shall Escape (André De Toth, 1944)


Wilhelm Grimm (Alexander Knox), un responsable nazi, est jugé par un tribunal international peu de temps après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Les témoignages portent sur trois époques de la vie de Grimm : sa démobilisation en Pologne après la défaite de 1918, sa fuite en Allemagne et son adhésion au parti nazi puis son retour en Pologne après l'invasion.

Surprenant film de procès dont de nombreux critiques ont loué l'aspect prémonitoire dans la mesure où il précédait de plus d'un an le jugement des dignitaires nazis à Nuremberg. Une narration à la Citizen Kane (mais extrêmement simplifiée) retrace le parcours de Wilhelm Grimm qui devient une métaphore du destin de l'Allemagne. Humilié après le traité de Versailles, il en tire une grande frustration qui le conduit à haïr les polonais auprès desquels il vit et qui le lui rendent bien (André De Toth avait durant ses dernières années européennes filmé l'invasion de la Pologne par l'Allemagne). Sa rencontre avec l'idéologie nazie semble surtout conditionnée par sa soif de revanche et il se montrera encore plus impitoyable au sein d'un système qui considère toute humanité comme une preuve de faiblesse. Le scénario lui présente une double opposition allemande : d'abord par le biais de Karl, le frère anti-nazi de Wilhelm qui représente la république de Weimar. Compréhensif et tolérant, il sera la première victime de l'ascension fulgurante de son frère lorsque celui-ci l'enverra en camp de concentration pour ne pas se voir suspecté de complaisance. Plus tard Willi, le fils de Karl entre temps adopté par Wilhelm, trahira la cause nazie en soutenant moralement les polonais contre l'avis de son tuteur. Grâce à eux, De Toth évite de condamner l'ensemble du peuple allemand et fait de Wilhelm un homme qui n'hésite jamais à se retourner contre les siens.


Film de propagande oblige, il est clair que None Shall Escape n'échappe pas au didactisme notamment lors de la conclusion durant laquelle le juge s'adresse au spectateur pour lui intimer de prendre parti. Néanmoins, il y a dans le réquisitoire implacable effectué par De Toth et son scénariste Lester Cole une rage peu commune, une dénonciation d'une évidente sincérité. Wilhelm est un homme fondamentalement incapable d'admettre ses fautes, et cherche systématiquement un responsable extérieur. Il accuse sa fiancée de le rejeter à cause de son infirmité là ou son dégout est lié au racisme anti-polonais de Wilhelm, et c'est la soif de revanche que son neveu ne partage pas avec lui (Willi ayant eu une enfance sans histoire, il n'a pas de haine comparable à celle de son oncle) qui finira par aboutir à la destruction de leur lien filial et de la dernière touche d'humanité chez le nazi. Deux scènes absolument stupéfiantes sont à noter : l'appel à la révolte du rabbin qui conduit les prisonniers juifs à refuser d'entrer dans le train, et le moment ou Willi fait face au cadavre de la jeune femme qu'il aimait.


La force du scénario de Cole est qu'il offre à Wilhelm des portes de sortie que celui-ci ne saisit jamais. On a pu voir récemment des films chercher à humaniser les nazis (La Chute notamment) mais si il est évident que ceux-ci étaient bel et bien des gens " comme les autres ", De Toth et Cole rappellent aussi l'importance du libre arbitre. Karl propose à Wilhelm de partir à Vienne avec lui ; plus tôt, Wilhelm se voit offrir une chance de vivre en Pologne pour peu qu'il accepte de considérer la population comme son égale. Comparativement à la majorité des films anti-nazis produits par Hollywood, il y a également une importance rare accordée ici au statut des juifs et à l'antisémitisme, généralement relégué au second plan ou oublié. On peut donc voir en None Shall Esacape une démonstration de force, un réquisitoire quelque peu schématique mais la puissance de l'interprétation d'Alexander Knox et la maitrise de la mise en scène de De Toth, étonnante pour son second film américain seulement (très beau mouvement de grue lorsque Marsha Hunt vient témoigner à la barre contre son ancien amant) contribuent à faire de None Shall Escape une œuvre forte et marquante.

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