mercredi 18 février 2015

Mister Freedom (William Klein, 1969)


Le super-héros le plus réputé des États-Unis, Mister Freedom (John Abbey) est envoyé en France où son ami Capitaine Formidable a été assassiné. Freedom rencontre sa veuve Marie-Madeleine (Delphine Seyrig) qui lui annonce que la France subit les influence néfastes de Moujik Man (Philippe Noiret) et Red China Man, les ennemis de Mister Freedom.

Le résumé peut laisser penser à un immense moment de n'importe quoi généralisé, à un film qui serait aux comics ce que Docteur Folamour était au péril atomique. Il y a pourtant dans Mister Freedom quelques idées qui avaient le potentiel de déclencher l'hilarité : le péril jaune incarné par " Red China Man ", un dragon de carnaval chinois ; l'accent russe de Philippe Noiret en Moujik Man, et ses sbires communistes chantant l'internationale, ou encore l'arrivée de Jésus Christ venu donner un coup de main à Mister Freedom. Malheureusement ces bonnes intentions se noient dans un tunnel d'ennui qui s'explique très facilement : d'abord, John Abbey livre une prestation calamiteuse, et que la responsabilité lui incombe ou soit liée à une direction d'acteur déficiente, l'acteur semble totalement à côté de la plaque ; ensuite le scénario patauge et au bout d'une heure, il ne s'est pratiquement rien passé de notable. Enfin, la mise en scène de Klein est à peine digne d'un téléfilm bas de gamme : plan-séquences mal cadrés ou les figurants semblent livrés à eux-mêmes, zooms brouillons, dialogues interminables filmés sans la moindre inventivité... On aurait pu pardonner au réalisateur toutes ces lacunes formelles pour peu qu'il soit parvenu à offrir le quota de rire attendu, or Mister Freedom n'est jamais à la hauteur de son synopsis.


L'idée générale est donc de présenter une sorte d'anti-super-héros, un crétin suffisant, paranoïaque et dont les méthodes l'apparentent moins à l'idéal de liberté dont il se réclame qu'au fascisme. Freedom tire sur la foule, défenestre un laveur de carreaux, se lamente contre la présence de noirs aux États-Unis, rase la moitié du pays pour lutter contre d’infâmes bolcheviks qui en comparaison apparaissent bien inoffensifs. Une fois qu'il est apparu évident que le personnage représente une dérive impérialiste résolument totalitaire, le malheur est que Freedom n'est jamais rien d'autre qu'un tueur doublé d'un bouffon. Les deux OSS 117 de Michel Hazanavicius réussissaient tout en caricaturant une certaine littérature de gare à rendre Jean Dujardin attachant malgré sa franchouillardise et sa prétention afin que le spectateur puisse éprouver des émotions contradictoires. Ici, il n'y a aucun trait de caractère positif chez Freedom qui demeure pendant une heure et demie un sale type détestable, dont les réactions surprennent les cinq premières minutes mais sont parfaitement attendues par la suite. La vision de l'Amérique est ainsi ultra-caricaturale : violente, manipulatrice, irrespectueuse de la culture des autres et capable d'exterminer tout un peuple au nom de son sacro-saint idéal, elle empoisonne également ses alliés par sa société de consommation et sa culture de masse abêtissante. La discussion avec Super French Man met en exergue l'un des aspects les plus pénibles de l’œuvre : son didactisme, qui fait que si la charge politique est évidente, elle empêche Klein d'aligner dans tout son film le moindre gag digne d'une bonne planche de Superdupont.


On aurait aimé apprécier Mister Freedom et partager l'enthousiasme de certains laudateurs de Klein, d'autant plus que les super-héros n'ont pratiquement jamais été abordés dans le cinéma français. Cependant, Mister Freedom tient beaucoup moins de la curiosité loufoque que du pensum lourdingue, et l'adhésion au film nécessiterait à la fois d'accepter une mise en scène et une direction d'acteur calamiteuses, et d'adhérer au propos général résolument anti-américain ainsi qu'au " comique " extrêmement daté et laborieux mis en place. Pour le coup, on passera notre tour sans regret en dépit d'une belle brochette de seconds rôles (Pleasance, Noiret, Gainsbourg, Yves Montand en Capitaine Formidable).

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