vendredi 13 février 2015

Avere vent'anni (Fernando Di Leo, 1978)



Tina (Lilli Carati) et Lia (Gloria Guida), deux très belles jeunes femmes, se rencontrent sur une plage et décident de faire du stop ensemble. Elles rejoignent un petit groupe de marginaux conduits par Nazariota (Vittorio Caprioli) mais demeurent insatisfaites. Nazariota leur demande de prostituer en échange d'un logement.

Même si les polars de Fernando Di Leo (Milan Calibre 9, L'Empire du crime) ont fini par trouver dans nos contrées quelques ardents défenseurs, Avere vent'anni n'entretient pas de rapport évident avec les œuvres les plus connues de son réalisateur, pas plus qu'avec les genres en vogue à l'époque. On pourrait le résumer sommairement comme un Easy Rider féminisé et (très) érotisé avant que son dernier quart d'heure ne vire en remake de La Dernière maison sur la gauche de Wes Craven. Nous passons donc une heure et demie en compagnie Lia et Tina, deux jeunes femmes délurées qui cherchent de la compagnie masculine ; à l'exception d'un intermède plus tendre avec un fonctionnaire retraité, elles iront de déceptions en énervements. Les hippies vivant dans la communauté sont drogués et totalement apathiques, le professeur obsédé sexuel se fait ridiculiser par Tina et finalement, elles trouveront plus de plaisir ensemble qu'avec les différents hommes rencontrés.


Il est très difficile de percevoir les velléités politiques de Fernando Di Leo tant celles-ci sont nébuleuses - et le mot est faible -. Tina et Lia sont en quête d'un idéal libertaire que la contre-culture n'est clairement plus en mesure de leur offrir : Nazariota ne se sert d'elles que pour rapporter des fonds à la communauté, que ce soit en les prostituant ou en les utilisant comme vendeuses. Si les hippies sont croqués sans la moindre complaisance (voir le personnage grotesque de Riccetto qui s'avère être en plus un complice du pouvoir), la police est montrée comme hypocrite et corrompue à l'instar des divers personnages moralisateurs (le professeur, les deux femmes dans la voiture) ; comme dans le Orange mécanique de Kubrick, les deux idéologies opposées sont renvoyées l'une contre l'autre avec autant de sécheresse. Malgré leurs défauts, Tina
et Lia restent les seules personnes envers lesquelles on peut avoir un minimum d'empathie dans la mesure ou leur attitude semble plutôt inoffensive en comparaison de tous les reproches qu'on leur adresse. Di Leo s'avère encore plus ambigu dans la mesure où les jeunes femmes ne sont châtiées ni par les hippies ni par les policiers mais par un groupe de violeurs qui ne sont rien de plus que des quidams absolument banals. A cet égard, c'est la société italienne post-années 60 qui semble la cible la plus évidente de la vindicte du réalisateur, une société dont les utopies alternatives ont échoué et dans laquelle le conflit entre traditionalisme et modernité peut aboutir à une violence inouïe.


La mise en scène de Di Leo se fait beaucoup moins précise que dans ses polars et adopte une forme de naturalisme refusant la stylisation. Ce choix fonctionne plutôt bien dans la mesure où il est absolument nécessaire de faire accepter au spectateur des personnages envers lesquels on n'éprouve pas d'empathie immédiate. Néanmoins, comme dans la majorité des films adoptant une narration assez relâchée ou les scènes se succèdent sans avoir de lien immédiat, certains moments tirent en longueur comme la confrontation au commissariat ou la rencontre entre Lia et la femme lesbienne qui la prend pour une prostituée.
Avere vent'anni est un film absolument étonnant, unique, imparfait mais d'une force peu commune qui transforme une sexy comédie (sous-genre dont Gloria Guida et Lilli Carati étaient deux vedettes) en film d'horreur social avec une violence qui laissera plus d'un spectateur sur le carreau. Plus encore que Craven, Di Leo se fait le chroniqueur désabusé de la mort de la contre-culture et prouve au passage qu'il n'était pas qu'un petit réalisateur de polars, mais un excellent cinéaste tout court.

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