lundi 2 février 2015

Le Rouge est mis (Gilles Grangier, 1957)



Louis Bertain (Jean Gabin), un garagiste, est en réalité un redoutable truand qui multiplie les braquages aux côtés de Pépito (Lino Ventura), Raymond et Fredo. Pierre (Marcel Bozzuffi), le frère de Louis autrefois condamné pour un petit larcin, est arrêté par la police qui fait pression sur lui afin qu'il dénonce Louis, tandis que la dernière attaque menée par celui-ci vire au carnage.

Troisième adaptation d'Auguste le Breton après Du rififi chez les hommes et Razzia sur la chnouf, Le Rouge est mis est loin d'arriver à la hauteur de ses prédécesseurs et particulièrement du très beau film de Dassin. En premier lieu, il serait temps d'admettre que le Breton était un romancier extrêmement médiocre, au style ultra-daté à la fois dans ses thèmes (un racisme et une misogynie de bon aloi s'y trouvent) et dans sa forme (l'abus d'argot qui fait qu’aujourd’hui, l'auteur est quasiment illisible). Beaucoup moins talentueux qu'un Simonin, autrement moins précis qu'un Vial-Lesou, Le Breton est certainement moins responsable de sa postérité cinématographique que ne le sont les talents conjugués des metteurs en scène et acteurs l'ayant porté à l'écran. Mais Gilles Grangier n'est pas Jules Dassin et un matériau de base bancal confié aux mains d'un artisan sans grande personnalité n'avait que peu de chances d'aboutir à un grand film.


Il y a un réel et considérable problème d'écriture des personnages. Commençons avec les truands : Fredo est présenté dès le départ comme un lâche - ce qui l'amènera donc forcément à abandonner les autres -. Le gitan Pépito est au contraire une brute épaisse qui répond à tout imprévu par la violence - il sera donc celui qui tirera dans le tas au pire moment -. Raymond est quant à lui totalement effacé - il ne peut donc que disparaitre en route et être celui dont la mort accentuera les tensions - tandis que sur ce petit microcosme règne un Jean Gabin flegmatique, intelligent, fort, viril et lucide. Jamais l'un d'eux n'est plus qu'un quelconque stéréotype de la série noire et quelques années à peine après leur arrivée sur les écrans avec le Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, ces archétypes apparaissent déjà usés et fatigués ; on ne trouvera jamais d'équivalent à la scène de déjeuner entre Gabin et René Dary qui à elle seule permettait aux personnages d'exister dans leur complicité, d'être plus que des figures convenues. A côté, on a droit au petit frère " honnête " de Jean Gabin joué par un Marcel Bozzuffi âgé d'à peine 25 ans de moins que son ainé ainsi qu'à sa maitresse qui permettra à Gabin, évidemment non dupe de la vénalité de la demoiselle, d'asséner une bonne claque à la " salope " en question dans ce qui demeure une des scènes les plus déplaisantes d'un film ultra-formaté pour mettre en valeur ses stars.


Il y aurait assez peu à dire sur la mise en scène de Grangier, relativement quelconque mais efficace en son genre (les scènes de poursuite sont cadrées avec rigueur et dans l'ensemble, le cinéaste s'avère tout à fait professionnel en dépit de son impersonnalité). Mais le scénario mal écrit empêche à l'entreprise de prendre de la hauteur. Passe encore ce retournement de situation quelque peu improbable permettant à Bozzuffi de découvrir les activités de son frère et de Pépito ; mais le fait d'en parler à sa maitresse que le réalisateur n'a eu de cesse de présenter comme une arriviste est une manipulation grossière visant à aiguiller personnages et spectateurs du mauvais côté. Il y a également une forme d'hypocrisie dans le fait de voir des gangsters éliminer des policiers à moto à coups de mitraillette, avant qu'on ne nous apprenne que ceux-ci ne sont que blessés comme si Grangier n'assumait pas la violence du milieu qu'il décrit (la complaisance avec laquelle Gabin est filmé n'arrangeant rien). Mais plus généralement, Le Rouge est mis n'est pas une catastrophe totale, il se regarde pour peu que l'on apprécie le charme d'époque, les acteurs ou les dialogues de - déjà ! - Michel Audiard. Simplement, il n'apporte rien à l'histoire, n'a pour lui ni l'abstraction d'un Melville ni le travail sur le cadre de Dassin ni le brio d'un Becker. Il n'est qu'un petit polar de plus.

4 commentaires:

  1. "non dupe de sa vénalité de la demoiselle"
    Petite faute.
    Tu as vu Seconds-L’Opération diabolique de John Frankenheimer? Il passe à l'Institut Lumière cette semaine.

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  2. Merci ; non, pas vu le Frankenheimer qui est un cinéaste dont je n'ai vu qu'extrêmement peu de films (le premier me venant en tête étant le bancal mais pas inintéressant French Connection II). Il passe ce weekend ? Si c'est le cas, je suis partant.

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  3. La dernière séance est ce vendredi à 21h, ça compte comme le week-end?

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  4. Je lis souvent les articles de films de ton blog, et je ne peux que te féliciter de ta connaissance en matière de cinématographie. Je me permets de te laisser un site où tu as traité un film dont tu fais référence "la planète sauvage", que j'ai vu et que j'ai bien aimé. A bientôt http://www.tasteofcinema.com/2015/25-great-psychedelic-movies-that-are-worth-your-time/

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