vendredi 28 mars 2014

Red Planet Mars (Harry Horner, 1952)



Chris Cronyn (Peter Graves), un scientifique américain, est parvenu à inventer un système de communications avec mars. Il ignore toutefois que Franz Calder (Herbert Berghof), un ancien nazi désormais aux ordres des communistes, intercepte les communications et les modifie. Calder, par l'intermédiaire de Cronyn, tente ainsi de mettre fin au système capitaliste.

La profession de foi de ce blog consistait dans le fait de parler avec sérieux de tous les genres, y compris ceux souvent jugés avec condescendance par certains cinéphiles comme le péplum italien. En dépit de cette volonté, il m'est rigoureusement impossible d'en faire autant face à un film de propagande aussi délirant que ce Red Planet Mars. Pourtant, il n'y avait a priori pas de quoi craindre une telle catastrophe : l'un des scénaristes, John Balderston, écrivit la quasi-totalité des films fantastiques de la Universal dans les années 30 (Dracula, Frankenstein, La Momie, La Fiancée de Frankenstein... ) tandis que l'autre, Anthony Veiller, fut à l'origine du magnifique Les Tueurs de Robert Siodmak. Le réalisateur Harry Horner, dont ce fut le premier film, s'applique avec un irréprochable sérieux tandis que le casting, porté par le futur héros de la série Mission Impossible, fait preuve d'une motivation impressionnante.



Certes, le cinéma de propagande, d'Eisenstein à Fritz Lang en passant par Samuel Fuller, a pu donner des œuvres marquantes. Mais même un sommet de simplisme idéologique comme Le Cuirassé Potemkine n'arrive pas à la cheville de ce Red Planet Mars qui nous présente sans doute le seul exemple cinématographique de méchant communisto-luciferiano-satanisto-nazi ! Lorsqu'un absurde rebondissement scénaristique met au pouvoir un régime politique aux mains de l'Eglise orthodoxe en Russie, on est effaré par l'absence absolue de recul chez les personnages qui se réjouissent de ce retour de la foi avec une véritable hystérie religieuse. Il en va de même lorsque l'horripilante femme de Peter Graves commence à se sentir investie d'une mission divine ou lorsque le scénario insiste sur l'alcoolisme du nazi ou des russes, opposés évidemment à nos chastes et prudes chrétiens américains pleins de bonté.

Red Planet Mars possède un grand mérite : il n'est jamais ennuyeux. Les rebondissements se succèdent et passée une mise en place hasardeuse on enchaîne les idées absurdes avec une évidente bonne volonté. Les communistes provoquent une crise agricole mondiale à la suite de quoi notre héros voit rouge (mais un peu moins qu'eux), le système de communication avec Mars fonctionne grâce à une transmission des décimales de pi (idée dont l'incongruité est renforcée par le speech final du méchant " vous en avez mis du temps à penser aux décimales de pi ! ") et finalement Dieu lui-même intervient pour féliciter l'action efficace de nos héros contre le terrifiant péril communiste. Le tout étant évidemment présenté avec un premier degré fascinant pétri de bonne conscience.



Face à des bolcheviques fourbes et grimaçants (t'as le look, coco ?) la parfaite famille américaine ou même le brushing de Peter Graves se transmet de père en fils amène un futur radieux, la fin nous promettant " the beginning " au lieu du traditionnel the end. Rarement film de propagande n'a été aussi direct et aussi frontal dans sa démarche, et le spectateur contemporain sera sans doute incapable de prendre au sérieux un pamphlet à coté duquel les alliances entre l'américain viril et les sympathiques talibans de Rambo 3 font figure de vision politique nuancée. Paradoxalement, c'est de cette limpidité du discours que le film tire une partie de son charme : là ou bien d'autres avancent masqués, ici la paranoïa anti-rouge est à son sommet. Au-delà du fait qu'il prouve que le cinéma, c'était mieux avant - la preuve : rien n'y était plus ridicule que le futur -, Red Planet Mars, trop convenablement interprété et réalisé pour constituer un véritable nanar, est une curiosité détonante à voir entre amis en savourant un pack de bières.... bières rouges, bien sur.

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