lundi 24 mars 2014

L.A. Takedown (Michael Mann, 1989)



Lors d'un braquage, trois policiers sont tués par les hommes de Patrick McLaren (Alex McArthur). Un flic expérimenté, Vincent Hanna (Scott Plank) est chargé de l’enquête. Le gangster et le policier finissent par éprouver une forme de respect mutuel tout en ayant conscience du fait qu'ils risquent de devoir s'affronter un jour. 

Certes, il ne s'agit que d'un téléfilm et il semblerait logique que le spectateur revoit ses désirs à la baisse ; mais Comme un homme libre était également fait pour la télévision et Mann s'y montrait déjà un remarquable metteur en scène. On pourrait aussi être indulgent devant ce qui n'était qu'un brouillon de Heat, futur chef d'oeuvre Mannien envers lequel la comparaison ne peut que faire du mal à L.A. Takedown. Mais quand bien même on oublierait ses prédécesseurs ou successeurs au sein de la filmographie du cinéaste, il apparaîtrait toujours comme un ratage. La Forteresse Noire était un ratage original, audacieux et risqué ; L.A. Takedown est simplement un ratage ennuyeux. Il est un de ces rares cas dans l'histoire du cinéma ou non seulement le remake était permis, mais où on peut aller jusqu'à considérer qu'il s'imposait tant à partir d'un point de départ identique l'écart qualitatif avec Heat est considérable.



D'abord, le film est visuellement très loin de la beauté des Mann photographiés par Dante Spinotti ; et si des effets 80's (ralentis malvenus, emplois de musique pas toujours judicieux) étaient occasionnels dans Le Solitaire ou Le Sixième sens, ils sont ici beaucoup plus systématiques. Mais l'énorme problème demeure l'interprétation ; autant, sans rivaliser une seconde avec Robert De Niro, Alex McArthur reste potable en gangster, autant Scott Plank est tout simplement nul. Les seconds rôles, tenus par des acteurs souvent limités, pâtissent également de la durée du film - une heure de moins que Heat - qui enlève énormément d'épaisseur à leurs personnages et seul Xander Berkeley (qu'on retrouvera dans Heat mais pour un tout autre personnage) en Waingro tire son épingle du jeu.
Pour illustrer ce problème de caractérisation des personnages, il suffit d'étudier la relation entre le gangster et son associé Chris Shiherlis. Dans Heat, les deux vivent une situation amoureuse parallèle, l'un divorçant tandis que l'autre entame une relation. Robert De Niro sert également de tampon entre son associé et la femme de celui-ci et son statut de " grand frère " explique en partie les risques qu'il prend pour sauver Chris ; cela conduit d'ailleurs à l'une des plus belles séquences jamais filmées par Mann (la confrontation entre Val Kilmer et son ex-femme à la fenêtre).
Dans L.A. Takedown, tout ce background autour de Chris est supprimé. Aussi les efforts déployés par McLaren sont loin de produire le même impact émotionnel puisqu'il n'est qu'un gangster comme un autre, interchangeable et peu caractérisé, et qu'on n'éprouve pas vraiment de compassion ni même d’intérêt pour son sort.




Le plus frustrant est peut-être que pour un film qui s'annonce comme un affrontement psychologique entre un flic et un gangster, cet affrontement n'a pas réellement lieu puisqu'en réalité la situation est " résolue " par l'action d'un autre personnage, évacuant toute confrontation directe entre les deux personnages principaux ! Si on repère ici et là quelques idées intéressantes souvent réutilisées plus tard, pas forcément dans Heat d'ailleurs - par exemple, la scène ou Michael Ceritto est abattu ressemble moins à la scène homologue avec Tom Sizemore qu'à la celle de la poursuite de Pretty Boy Floyd dans Public Enemies - mais en l'état, on tient l'unique oeuvre de Michel Mann à peu près dénuée d’intérêt artistique tout en étant là encore fondamentale historiquement comme film matriciel. Il est toutefois passionnant de voir comment un cinéaste semble parfaitement conscient du ratage constitué dans la mesure ou tout ce qui ici parait bancal, brouillon ou inabouti sera revu et corrigé six ans plus tard pour donner l'un des meilleurs polars de la décennie. Reste que si vous devez vous passer d'un Michael Mann, passez-vous de celui-ci.

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