jeudi 20 mars 2014

Baby Face Nelson (Don Siegel, 1957)



Lester (Mickey Rooney) sort de prison lorsque le caid Rocco lui propose un contrat. Lester refuse et Rocco le fait accuser du meurtre. Lester s'évade avec la complicité de sa maîtresse Sue (Carolyn Jones), abat Rocco et rencontre le célèbre John Dillinger avec lequel il s'allie sous le nom de Baby Face Nelson.

Si bon nombre de films ont été consacrés à Dillinger, la vie de son violent comparse fut plus rarement évoquée. L'image flamboyante et pleine de panache du " Robin des bois " des années 30 permettait une empathie bien plus évidente qu'avec Nelson, véritable boucher qui n'eut d'égal que Clyde Barrow comme meurtrier de policiers.
Il est intéressant de voir que contrairement au film noir ou au western, le film de gangsters n'a jamais été totalement à la mode ni totalement démodé ; certes, on pense souvent au début des années 30 ou trois films matriciels débarqueront coup sur coup sur les écrans (Le Petit César, Scarface et l'Ennemi Public) mais le classique le plus mémorable reste certainement l'incroyable L'Enfer est à lui de Raoul Walsh, pourtant sorti pratiquement vingt ans après et représentant un point de non-retour dans la démesure du personnage principal.



Siegel attaque son sujet avec une certaine modestie artisanale ; nerveux et court (85 minutes), son Baby Face Nelson ne s’embarrasse d'aucun temps mort et va droit au but. Contrairement à Jacques Lourcelles, pour lequel la folie destructrice de Nelson n'est jamais justifiée, il me semble qu'au contraire les premières scènes avec Rocco ont cet intérêt : en nous montrant Nelson sans arrêt rabaissé par le caïd, Siegel nous place de son coté lorsqu'il est accusé à tort. Même lorsque Nelson abat Rocco, on parvient encore à comprendre son geste avant que petit à petit, le crescendo dans les atrocités commises nous pousse à nous sentir coupables d'avoir pardonné les agissements d'un tueur. Là ou les personnages incarnées par James Cagney par exemple désiraient avant tout sortir de la misère et devenir riches, le Nelson de Siegel semble beaucoup moins mu par l'appât du gain que par un complexe d'infériorité lié à sa taille, il n'épargnera d'ailleurs dans sa course qu'un banquier aussi petit que lui.

Une autre caractéristique discrète et originale du film réside dans son traitement des seconds rôles : chez Walsh ou Wellman, on trouvait un prêtre, un ami et/ou un frère du personnage principal pour garantir la bonne morale et montrer l'exemple. Siegel franchit un pas en ne présentant aucun personnage positif, les agents du FBI à la poursuite de Nelson étant même plutôt fantomatiques. Si un contrepoint est apporté, c'est plutôt par la figure de Dillinger, certes bandit mais refusant de tuer sans y être obligé, que par le biais de personnes bien intégrées à la société. Une logique similaire sous-tend le personnage féminin : dans les années 30 ou 40, la compagne du héros était une victime, une femme dépassée par les événements qui souhaitait fuir. Ici Carolyn Jones fait jeu égal avec Mickey Ronney dans un véritable élan de complicité et on peut voir ce couple comme les parents accouchant une décennie plus tard du Bonnie and Clyde d'Arthur Penn - même si des films noirs comme Le Démon des armes avaient également ouvert la voie -.



Mickey Rooney est une trouvaille de casting géniale dans le rôle titre et Carolyn Jones s'en tire également très bien. La galerie de seconds couteaux (Ted de Corsia, Jack Elam, Elisha Cook Jr) contient une bonne moitié des gueules de truands les plus emblématiques du film noir. Toutefois, il manque sans doute au film cette incandescence, ces grands moments de cinéma qui faisaient le prix des meilleurs Siegel. Même en restant dans sa période de séries B, une oeuvre comme The Line-Up sortie seulement un an après Baby Face Nelson contient d'incroyables scènes (le meurtre du domestique, l'explosion de rage d'Eli Wallach passant un handicapé par dessus la rambarde) dont ce Baby Face Nelson ne peut pas vraiment s’enorgueillir. A vouloir faire un film épousant la trajectoire directe et sans répit de son anti-héros, Siegel perd l'alternance entre temps morts et explosions qui a pu donner les grands chefs d'oeuvre du genre ; à noter que le plan filmé depuis le haut des escaliers lorsque Nelson abat Rocco est exactement le même que celui voyant l'agent Purvis abattre Jack Klutas dans un film de John Milius nommé.... Dillinger, tiens tiens.

Egalement connu sous le titre l'Ennemi public, auquel j'ai préféré le titre original pour éviter la confusion avec le film homonyme de William Wellman.

Note a posteriori : la lecture du livre Les Irréductibles de John Toland, faute d'enrichir énormément la psychologie de Nelson, nous apprend toutefois que la scène du meurtre par noyade du docteur joué par Sir Cedrick Hardwicke n'est pas une invention de Don Siegel mais l'assassinat authentique du docteur Moran par Fred Barker. Elle montre comment les metteurs en scène de l'époque pouvaient synthétiser la mythologie des gangsters avec cohérence et intelligence dans la mesure ou, attribuée à Nelson, elle semble cadrer parfaitement avec son caractère colérique.

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