dimanche 18 janvier 2015

La Route de la violence (Jonathan Kaplan, 1975)


Carrol Jo Hummer (Jan-Michael Vincent), un jeune chauffeur rentré du Vietnam, cherche du travail. Duane Heller (Slim Pickens) lui propose de transporter des marchandises de contrebande, ce que Carrol Jo refuse. L'organisation à laquelle Heller appartient décide alors de mettre Carrol Jo sur la touche par tous les moyens possibles.

Si la route fut souvent un symbole de liberté au sein du cinéma américain, cette tendance fut particulièrement marquée durant les années 70 avec notamment deux grands chefs d’œuvre du genre : Point limite zéro de Richard Sarafian et Macadam à deux voies de Monte Hellman. Loin de l'ambition de ces titres, on trouve une poignée de petites séries B motorisées tels que cette Route de la violence réalisée par un Jonathan Kaplan revenant du monde de la blaxploitation (Truck Turner). D'une certaine manière, La Route de la violence est au road movie ce que Les Quatre de l'apocalypse sont au western spaghetti : un ratage beaucoup plus attachant pour ce qu'il dit que pour la manière dont il le dit, à la fois très sympathique et trop bancal cinématographiquement. Il y a par exemple un énorme déficit de traitement des méchants : Buck est présenté comme l'antagoniste durant les trois quarts du films, puis un quart d'heure avant la fin Cutler apparait comme étant la véritable éminence grise. Si cette idée est logique par rapport à la thématique générale (la lutte entre des indépendants et les grandes compagnies ou tout le monde est interchangeable), elle affaiblit les figures d'antagonistes et il est difficile de voir en Cutler une opposition un tant soit peu crédible à notre héros sans peur et sans reproche.



D'une certaine manière, il s'agirait d'un Tuez Charley Varrick ! ou le braqueur est remplacé par un convoyeur. Toutes les formes d'autorité sont ici dévoyées : les flics sont des brutes épaisses sadiques aux ordres des patrons, les juges ne valent pas mieux et la seule alternative offerte réside dans l'union des déclassés (voir notamment le jeune noir qui refuse de s'allier au blanc, avant que le meurtre de son ami ne lui ouvre les yeux). Le discours politique radical porte la marque d'une époque ou les utopies sociales avaient encore droit de cité et en dépit de la naïveté du propos, on se prend à apprécier la sincérité de celui-ci. En revanche, l'action se fait bien trop rare : passé une poursuite relativement bâclée au bout d'une demi-heure, il faut attendre les cinq dernières minutes pour voir notre héros en camion être pourchassé. A l'exception de la cascade finale, La Route de la violence manque de spectaculaire et on est très loin de la démesure du carambolage du Grand casse, par exemple. Le film connait également d'importants problèmes de rythme avec notamment une partie centrale qui s'éternise et des scènes de couple entre Jan-Michael Vincent et Kay Lenz qui ne sont guère palpitantes ; enfin, le montage est souvent maladroit à l'image de sa conclusion qui aurait nécessité beaucoup plus de rigueur sur ce point.



Ce qui est perdu en maitrise de la mise en scène et en tôle froissée est quelque peu compensé par la sympathie qu'on éprouve pour les personnages - les noirs sont moins stéréotypés et plus intéressants que de coutume dans le cinéma américain de l'époque -, Jan-Michael Vincent en tête mais celui-ci est très bien secondé par la belle Kay Lenz et par les délicieusement vicieux Slim Pickens et LQ Jones. L'ambiance issue de la contre-culture et la musique country achèvent de faire de La Route de la violence un pur produit 70's et même si l'époque connut des réussites autrement plus notables, le film de Kaplan n'est pas dénué de ce charme d'époque qui permet à certaines œuvres moyennes de se regarder encore avec un certain plaisir des années après. On lui préfère l'empilage de destructions du Grand casse ou le sympathique portrait de couple de Larry le dingue, Mary la garce, mais même si il n'a rien d'un grand metteur en scène, Kaplan aura su divertir là ou son Truck Turner nous avait semblé particulièrement anecdotique.

2 commentaires:

  1. J'ai vu Macadam à deux voies il y a une semaine. C'est.... spécial. J'aime bien, mais faut savoir dans quoi on s'embarque, parce que des mecs qui parlent que de mécanique et qui vont nulle part pendant 1h30, c'est assez space.
    Mention spéciale pour Warren Oates et ses pulls en cashmere qui changent de couleur à chaque scène (?).

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    1. Oui, c'est un film très difficile à appréhender comme tous les Monte Hellman (paradoxalement, j'ai des amis pas cinéphiles pour un sou qui aiment beaucoup). Les personnages n'ont pas de but, pas d'identité (ou trop, comme GTO qui s'invente une vie différente à chaque auto-stoppeur), pas de personnalité... C'est une manière de dégraisser un genre à l'extrême, de le vider de tous ses archétypes, au risque de provoquer un ennui immense si on est rétif à la démarche. Point limite zéro me semble plus accessible, quand même.

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