dimanche 11 janvier 2015

La Tarentule au ventre noir (Paolo Cavara, 1971)



Maria Zani (Barbara Bouchet), une cliente délurée d'un salon de massage, est victime d'un chantage avant d'être assassinée. L'inspecteur Tellini (Giancarlo Giannini) oriente en premier lieu l'enquête sur un réseau de trafiquants de drogue alors que le tueur commet de nouveaux meurtres, allant jusqu'à menacer personnellement Tellini.

La renommée du film de Paolo Cavara est essentiellement liée à son casting féminin : Stefania Sandrelli, Barbara Bouchet, Claudine Auger et Barbara Bach (soit pas moins de trois James Bond girls) sont tour à tour victimes d'un mystérieux assassin qui paralyse ses victimes en leur plantant une aiguille dans la nuque avant de les éventrer. Curieusement, c'est pourtant le personnage masculin principal qui est le plus intéressant et Giancarlo Giannini compose une très attachante figure de policier qui s'effraie de l'ingérence du tueur dans sa vie privée. Ses scènes de couple loufoques avec Stefania Sandrelli ne manquent pas de charme, et le jeu de Giannini illustre bien la perte de contrôle de l'enquêteur qui finit par un déferlement de violence. En dépit de la présence de très belles actrices, La Tarentule au ventre noir est lourdement handicapé par un scénario plutôt calamiteux, encore plus incohérent que celui du Tueur à l'orchidée d'Umberto Lenzi. Les motivations du tueur sont ridicules et plusieurs intrigues se greffent les unes aux autres (le trafic de drogue, le chantage aux photos compromettantes, la fuite du mari de la première victime) avec énormément de maladresse. Typiquement, on passe d'une victime à une autre et chacune d'entre elles n'a de cesse de donner à tout le monde de bonnes raisons de la tuer (raisons qui n'ont évidemment aucun rapport avec le motif réel de l'assassin) ; il est symptomatique que le film ne se résolve pas par une incursion du policier sur le territoire de l'assassin mais par le contraire.



Formellement comme thématiquement, Cavara s'inscrit dans le sillage de l'Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento et de Six femmes pour l'assassin de Bava, mais ce faisant il met en lumière la grande différence de niveau entre les cinéastes. Si les meurtres sont plutôt réussis (leur cruauté n'y étant pas pour rien), les poursuites sont souvent mal filmées et de manière générale le réalisateur semble souvent ne pas savoir où cadrer. Si on retrouve les décors modernistes chers au réalisateur des Frissons de l'angoisse, Cavara ne parvient pas à leur donner le relief nécessaire pour en faire des vecteurs de perte de repère. La photo est perfectible et le thème principal légèrement érotique de Morricone, composé de râles féminins, est employé ad nauseam au point d’entamer sérieusement la patience du spectateur. Les amateurs de giallo seront en territoire connu dans la mesure où l'on retrouve la grammaire visuelle habituelle (beaucoup de sang, des mains gantées, des jeunes femmes nues, de la caméra subjective du point de vue du tueur) mais sans jamais donner d'univers personnel à son film ; les giallo-machination de Fulci et Martino arriveront à sortir le genre de la tutelle d'Argento, chose dont Cavara est malheureusement incapable ici.



En dépit de tous ses défauts, La Tarentule au ventre noir n'est pas complètement catastrophique. Ici et là surgissent parfois quelques belles idées de mise en scène (la femme cachée au milieu des mannequins déjà vue chez Bava, le tunnel lors de la scène finale qui contredirait mon argument précédent sur les décors). Mais surtout, le film est maintenu à flot par l'intérêt qu'on porte au personnage de Giancarlo Giannini, faible et en proie au doute. Rarement un personnage principal de giallo n'a semblé aussi humain dans ses faiblesses et là ou habituellement les meurtres priment sur l'enquête, ici le paysage mental perturbé de Giannini s'avère plus intéressant que les histoires de bourgeoises droguées, lesbiennes et/ou nymphomanes plus stéréotypées les unes que les autres. On regrette d'autant plus que l'acteur n'ait trouvé ni scénario ni metteur en scène à la hauteur de la prestation apportée et qui auraient fait de ce giallo regardable le grand film espéré.

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