vendredi 2 janvier 2015

La Sentinelle des maudits (Michael Winner, 1977)


Alison Parker (Cristina Raines), une modèle, décide de louer un appartement à New York. Alison rencontre ses étranges voisins : un vieil homme affable accompagné d'un chat noir, un couple de lesbiennes ou encore un prêtre aveugle. Petit à petit, Alison se sent perdre totalement pied, en dépit de l'aide apportée par son compagnon Michael Lerman (Chris Sarandon).

Michael Winner a toujours su flairer l'air du temps, en témoigne ce film très influencé par Roman Polanski lorgnant avec intérêt du côté de Rosemary's baby (la persécution ressentie par le personnage féminin, les voisins intrusifs) et du Locataire (le sentiment d'être poussé au suicide, l'ancien locataire " remplacé " par l'héroïne à la fin). Mais Winner est sans doute l'un des cinéastes les plus éloignés de l'univers pokansien, dont les films sont envahis de situations étranges qui conduisent au doute sur la réalité du complot ressenti par le personnage principal. Au contraire, Winner préfère des représentations outrées et clairement fantasmagoriques qui ne laissent aucun doute sur le caractère surnaturel des évènements, en partie du fait que tous les personnages importants (Alison, Michael, les prêtres) sont rapidement convaincus de la réalité de la menace. Ce qu'on perd en subtilité est quelque peu compensé par la réussite des moments les plus horrifiques ; ainsi le fait d'employer des acteurs difformes pour interpréter des démons est sans doute quelque chose de très discutable moralement, mais il faut reconnaitre que l'effet est redoutablement efficace et que la confrontation d'Alison aux forces du mal est un impressionnant moment de cinéma.



Il y a beaucoup de zones d'ombre dans le scénario qui peuvent au choix être vues positivement (volonté de ne pas tout rendre explicite) ou négativement (structure globale assez bancale). On optera plutôt pour la seconde option dans la mesure ou autant les scènes autour de Cristina Raines forment un ensemble assez homogène, autant celles concernant le passé trouble de Chris Sarandon - avec en prime une intrigue policière totalement inutile - se greffent maladroitement au reste, même si certains détails non explicités fonctionnent en l'état (le détective privé assassiné, le non-vieillissement d'Ava Gardner à la fin). Il est assez curieux de voir que là ou la majorité des films convoquant le diable ou ses envoyés proposent aux héros une porte de sortie (rédemption ou retour à la norme), le sauvetage concocté par Winner est très loin d'être réjouissant ; et si cette fin en demi-teinte est intéressante, elle met en lumière le puritanisme exagéré d'un script dans lequel le péché est omniprésent et s'incarne sous des formes (lesbianisme, tentatives de suicide) assez contestables. Les thématiques chrétiennes s'incarnent plus facilement entre les mains de cinéastes aspirant à une certaine recherche de pureté, de dépouillement ; dans le cas d'un metteur en scène plus racoleur comme Winner, elles apparaissent comme hypocrites dans leur aspect moralisateur.



On serait bien malhonnête de ne pas reconnaitre que la distribution de La Sentinelle des maudits est on ne peut plus surprenante : si le couple Raines/Sarandon accomplit honnêtement son travail, les seconds rôles sont tenus par rien de moins qu'Eli Wallach, Jeff Goldblum, Christopher Walker, Ava Gardner, Arthur Kennedy, John Carradine et Burgess Meredith, soit un des plus étranges mélanges d'anciennes gloires hollywoodiennes sur le déclin et de futures stars. Si il est clair que le film de Winner ne se hisse pas à la hauteur de ses modèles, il demeure toutefois l'un des essais les plus intéressants d'un cinéaste très inégal ; l'unique intérêt d'Un justicier dans la ville résidait dans la manière dont Winner transformait un polar en film d'horreur. Plongé dans un univers satanique, il a pu ici donner libre cours à sa fascination pour le macabre sans parasiter son histoire, bien aidé par la qualité des maquillages de Dick Smith (responsable de ceux de l'Exorciste). On pourrait presque dire que La Sentinelle des maudits est à Rosemary's baby ce que l'Enfant du diable de Peter Medak est à L'Exorciste : un rejeton moins abouti mais pour autant tout à fait digne d'intérêt.

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