Les Travaux d'Hercule est doublement une date dans l'histoire du cinéma italien : d'abord parce que son succès au box-office sera déclencheur de la mode du péplum qui subsistera jusqu'au milieu des années 60, ensuite parce qu'il marque la rencontre entre trois personnalités décisives, à savoir le réalisateur Pietro Francisci, le culturiste et acteur Steve Reeves et le directeur de la photographie Mario Bava. C'est d'ailleurs le travail de celui-ci qui demeure l'attrait principal de cette première étape du cycle herculéen rapidement dépassée par ses suites. Éclairages contrastés et rouges flamboyants font de séquences comme celles chez la Pythie de véritables moments de brio visuel. On pourra également citer les courts passages sous-marins chez les amazones ou la première scène entre Pélias et Erysthée, mais l'ensemble montre déjà le talent d'un des futurs maîtres de la série B italienne.
Le casting et le scénario sont plus discutables. Steve Reeves, ex-Mister Univers, compose un Hercule correct parfois un peu relégué au second plan. Fabrizio Mioni n'est guère plus mémorable en Jason et ce sont les femmes qui s'en tirent le mieux, avec la splendide Sylva Koscina en amoureuse d'Hercule mais surtout l'excellente Gianna Maria Canale en reine des Amazones qui éclipse sans difficulté le reste de la distribution.
Le scénario d'Ennio De Concini opère un curieux syncrétisme entre la légende d'Hercule et celle de Jason, mélangeant ainsi les personnages (Eurysthée, demi-frère d'Hercule dans les récits antiques, devient ici le bras droit fourbe de Pélias) en cumulant des seconds rôles plus ou moins superflus : si l'apparition de Castor et Pollux s'explique logiquement par leur existence au sein des Argonautes, celles d'Orphée et Ulysse sont déjà plus curieuses. Le second problème étant que l'histoire ne fait pas grand chose pour légitimer leur présence, la ruse d'Ulysse consistant essentiellement à faire trébucher des sauvages en se jetant dans leurs pieds, et Orphée n'étant pratiquement là que pour pousser la chansonnette. S'ajoutent à ces carences une mise en scène parfois mollassonne de Francisci et un combat grotesque entre Jason et une sorte de tyrannosaure très kitsch.
Enfin, il faut parler du titre qui se révèle mensonger : les seuls travaux d'Hercule évoqués dans le film sont le combat contre le Lion de Némée et le Taureau de Crête, traités en environ trois minutes à eux deux, et la rencontre avec les Amazones qui ici se termine plutôt comme la visite d'Ulysse chez les Lotophages dans l'Odyssée... C'est-à-dire une fuite de nos héros. Heureusement le spectaculaire est parfois plus réussi comme lorsque Hercule provoque à lui seul l'effondrement d'un temple, mais l'ensemble manque cruellement des excès qui feront le charme des péplums italiens à venir. Là est le paradoxe d'un film fondateur mais trop sage, peu atteint par les défauts qui parfois ridiculiseront ce type de productions mais surtout intéressant aujourd'hui comme pièce d'histoire. Bava, Francisci et Reeves apporteront des contributions supérieures à l'édifice, et ce dès un Hercule et la reine de Lydie qui les réunira de nouveau tous les trois.
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