Zé do Caixão (José Mojica Marins), fossoyeur athée et nihiliste, est bien décidé à assurer sa descendance à l'aide de la femme parfaite. Il fait enlever une demi-douzaine de jeunes filles non-croyantes, teste leur courage et assassine celles qui échouent. Mais les villageois, qui voient en Zé la réincarnation du Diable, décident de passer à l'action.
Deux films brésiliens ont fait de Zé do Caixão un équivalent local des grands mythes fantastiques tels que Dracula ou Frankenstein : A minuit je posséderai ton âme et sa suite directe Cette nuit, je m'incarnerai dans ton cadavre. Le réalisateur incarne lui-même le personnage qui est à mi-chemin entre le savant fou, le vampire et le gourou d'une secte satanique bien qu'il prétende ne servir aucune force supérieure, uniquement lui-même. La violence anti-cléricale du film est d'autant plus impressionnante lorsqu'on pense au contexte de sa fabrication qui explique certainement pourquoi la fin vient offrir une rédemption aussi inattendue qu'incongrue à Zé, concession probable à la censure étant donné la mentalité du personnage lors des 105 minutes précédant ce retournement de situation : mécréant, blasphémateur et provocateur, Zé passe une bonne partie du film à expliquer l'inexistence de Dieu et la faiblesse mentale des croyants !
Pour un film réalisé en 1967, Cette nuit je m'incarnerai dans ton cadavre n'a pratiquement rien perdu se son impact originel et certaines scènes demeurent des leçons de cinéma horrifique aujourd'hui. L'invasion d'araignées (arachnophobes s'abstenir !) est un magnifique moment de poésie morbide qui anticipe l'usage qu'en fera Lucio Fulci dans son superbe l'Au-Delà. L’exécution des jeunes femmes par des dizaines de serpents est là encore impeccablement réalisée, mais le véritable point d'orgue du film est une séquence de rêve ou Zé visite un enfer formé de glace, dans lequel son sosie hilare punit les âmes damnées au milieu d'un concert de hurlements. Les couleurs flamboyantes (contrastant avec le reste du film tourné en noir et blanc) rappellent d'ailleurs L'Enfer de Nobuo Nakagawa, autre merveille picturale réalisée quelques années auparavant. Il faut également noter un érotisme assez poussé pour l'époque (sur ce plan, Marins est même en avance sur la majorité du cinéma fantastique européen), tandis que l'interprétation absolument survoltée de Marins transforme un personnage à la frontière du grotesque sur le papier en véritable icône, bien aidé par une mise en scène parfois à la frontière de l'expérimental et faisant de lui une sorte de cousin génial d'un Jess Franco
Comme beaucoup de films fonctionnant par fulgurances visuelles, il accuse un petit cou de mou en dehors des scènes horrifiques d'autant plus que les monologues impies de l'acteur finissent par être légèrement redondants. Néanmoins, la quantité impressionnante d'idées visuelles, de moments de sadisme et de cruauté graphique font facilement oublier le caractère inégal de l'œuvre. On reste impressionné par la façon dont le réalisateur, avec un budget proche de celui d'un film d'Ed Wood, parvient à créer une ambiance oppressante, à transcender son histoire en un poème visuel quelque part entre Frankenstein (dont on retrouve un serviteur bossu et un final où des villageois armés de torches s'en viennent attaquer le héros comme dans les films de la Universal) et le marquis de Sade. Survolté, fascinant, malsain et inventif, Cette nuit, je m'incarnerai dans ton cadavre est une petite perle de cinéma fantastique d'Amérique du sud, qui donne envie de découvrir les nombreuses aventures de Zé do Caixão.
Le titre du film est parfois traduit par Cette nuit, ton corps m'appartiendra.
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