jeudi 23 janvier 2014

La Nuit des petrifiés (Jean Brismée, 1971)



Depuis que le baron von Rhoneberg (Jean Servais) a assassiné sa fille juste après sa naissance, une malédiction plane sur sa famille et fait du premier né de sexe féminin un succube traquant les hommes pour le compte de Satan. Des années plus tard, quelques touristes sont reçus par le baron.

Très curieuse tentative belge de cinéma d'horreur, La nuit des pétrifiés confronte longtemps avant Se7en des personnages représentant les péchés capitaux : un vieillard enragé, une jeune femme nymphomane ou un séminariste prétentieux sont les uns après les autres victimes des attaques du succube, pris au piège de leurs perversions. C'est du moins ce que le spectateur en déduit car le film est fort peu explicite et qu'on reste un long moment dans le flou avant de réussir à appréhender les motivations des personnages, et si certains sont rapidement caractérisés (le glouton qu'on voit s’empiffrer continuellement, la jeune femme obsédée par l'argent qui fait la chasse au trésor) d'autres le sont moins (le mari de la nymphomane, la paresseuse). En conclusion, une apparition incongrue de Satan en personne achève de faire de La nuit des pétrifiés une très singulière curiosité de cinéma d'exploitation faute d'en être un grand classique.



La plupart des films d'exploitation " gothiques " ou assimilés sont nourris d'un fort travail esthétique ; qu'il s'agisse de Bava ou Margheriti en Italie, de l'anglais Terence Fisher, du japonais Nakagawa ou de José Mojica Marins au Brésil, tous véhiculaient une ambiance par le biais de leur approche esthétique. Ici, Jean Brismée (ou quel que soit le réalisateur effectif car certains attribuent l'oeuvre au scénariste Patrick Rhomm ou à André Hunnebelle, réalisateur des OSS 117 des années 60, présent au générique comme conseiller technique) ne parvient jamais à donner une plus-value visuelle à son film, du fait notamment d'une photographie bien trop quelconque. La présence d'éléments fantasmagoriques comme le majordome sinistre joueur de piano ou les pics devant le château semblent ici relever plus des clichés inhérents au cinéma d’épouvante qu'à des composantes d'un univers propre.

Plusieurs versions de La nuit des pétrifies sont en circulation, l'auteur de ces lignes ayant par exemple pu voir des scènes lesbiennes amputées d'un certain nombre de copies. Ces scènes, comme la majorité des moments d'exposition présentant les personnage hors du château, sont lentes et peu captivantes ; une fois les personnages réunis commence alors un jeu de massacre surprenant au départ (les premiers meurtres sont les plus inventifs, sans avoir la maestria d'un Hitchcock ou d'un Argento) mais rapidement répétitif. La fin en queue de poisson achève de donner le sentiment que La nuit des pétrifiés n'est pas tout à fait à la hauteur du petit culte que lui vouent les amateurs de cinéma bis même si à quelques occasions il trouve le souffle qui lui manque trop souvent.



Si le rythme est bancal et la photographie terne, on sera beaucoup plus admiratif du jeu des acteurs, étonnants de sérieux et de sobriété. Jean Servais incarne excellemment l'ambigu baron. Erika Blanc est un succube mémorable, au charme évident et au maquillage tout à fait convaincant ; enfin, Daniel Emilfork justifie de par son charisme l'intégration étrange de Satan au récit, composant l'une des figures démoniaques les plus magnétiques vues au cinéma.

Au final, La Nuit des pétrifiés est un film très inégal mais étonnamment marquant ; par la qualité de ses acteurs, par son évidente ambiance trouble et par son thème principal, il parvient à donner l'impression d'être plus important que ne le sont ses qualités ou ses défauts cinématographiques. Sans se hisser au rang des maîtres du cinéma gothique cités plus haut, Brismée à toutefois livré un produit unique que les amateurs de curiosités loufoques se doivent de visionner.
Le film existe sous une kyrielle de titres différentes, les plus fréquents étant Au service du diable, La plus longue nuit du diable et The Devil's Nightmare.


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