Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
jeudi 6 février 2014
Return Engagement (Joe Cheung, 1990)
Lung (Alan Tang), mafieux exilé au Canada, voit sa femme mourir lors d'un affrontement avec un gang d'italiens. Il tue leur leader mais passe des années en prison ; à sa sortie, Lung retourne à Hong Kong à la recherche de sa fille sur fond de relations difficiles avec Pang (Simon Yam), un jeune chef de triades ambitieux.
Il est quelque peu amusant de voir qu'avant ses films méditatifs qui firent sa renommée en occident, Wong Kar-Wai cachetonnait en écrivant des scénarios à la pelle dont le Final Victory de Patrick Tam mais aussi deux célèbres hero movies signés Joe Cheung : Flaming Brothers et ce Return Engagement marchant sur les traces de John Woo, notamment grâce à un Alan Tang qui sans faire oublier Chow Yun-Fat incarne le héros à la hong kongaise avec un certain panache. On n'échappe donc pas aux éléments visuels repris au Syndicat du crime - le mafieux italien défiant Alan Tang de lui tirer dessus -, à The Killer - la prise d'otage avec un pistolet caché derrière - et au Syndicat du crime 2 - le carnage final complètement excessif sur l'autoroute -. Et si Joe Cheung a bien retenu la leçon du maître, il lui manque toutefois un petit quelque chose, un supplément d'âme ou de maîtrise de l'espace pour figurer parmi les grands metteurs en scène de l'époque. Sans être mauvaises, ses fusillades manquent à la fois de cette dramatisation exacerbée qui gène tant de spectateurs chez Woo et de son incroyable dynamique des corps.
Pour autant, Return Engagement n'est pas non plus un film 100 % action. Après un premier quart d'heure rentrant dans le vif du sujet, le retour de Lung aboutit à une intrigue autour de sa capacité à recréer une famille, à l'aide d'une ancienne amie de sa fille et de la mère adoptive de celle-ci devenant les nouvelles fille et femme de substitution de Lung. Les longues séquences autour de la relation père-fille s'installant progressivement finissent par être redondantes, surtout du fait du numéro d'adolescente rebelle pénible de May Lo, mais le charisme d'Alan Tang aide à faire passer la pilule (on admirera également les jeux d'adolescents en vogue à Hong Kong qui n'ont rien à envier aux nôtres rayon crétinerie). Il faut aussi dire que les amours naissances entre May Lo et un jeune chanteur n'ont absolument aucun intérêt si ce n'est d'allonger inutilement la durée du film.
En dépit de cette partie mélodramatique trop envahissante, Joe Cheung en donne au spectateur pour son argent et nous propose de la fusillade à bout portant, des héros coincés dans un fourgon blindé encerclé par au moins cinquante sbires vidant leurs chargeurs de mitraillettes - Simon Yam y allant carrément à la sulfateuse - de l'embuscade dans une chambre d’hôtel ou du massacre entre gangs. L'originalité est aux abonnés absents mais parmi les films reprenant à la lettre une formule bien rodée, Return Engagement a le mérite de le faire avec efficacité faute de génie.
Alan Tang est efficacement secondé par un Andy Lau tout jeune et impatient d'aller tirer dans le tas, mais c'est surtout Simon Yam en ordure d'une réjouissante cruauté qui la même année qu'Une balle dans la tête s'imposait comme une valeur sûre avant de devenir l'un des comédiens fétiches de Johnnie To. On sera, et c'est peu dire, moins admiratif de l'hystérique May Lo, d'une Elizabeth Lee manquant de naturel et surtout de gweilos - acteurs occidentaux dans les films asiatiques - réussissant l'exploit de jouer encore plus mal que ceux du Syndicat du crime 2.
Tout en étant un bon divertissement au-dessus de la moyenne, Return Engagement est une sorte de démonstration par l'absurde du génie de John Woo. Avec des scripts proches, Cheung aboutit à un spectacle réjouissant mais oubliable là ou le réalisateur de The Killer opérait une synthèse extraordinairement cohérente entre drame, action, amitiés viriles et romantisme.
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+10000 pour The Killer qui est un de mes films préféres, ainsi que les Syndicat du crime, c'est vrai qu'aprés des films comme ça, même les bons polars HK semblent fades. La "dramatisation exacerbée" rend tout absolument epique, même la moustache de Chow Yun-Fat qui sort de nulle part et les synthés ultra cheap! J'adore la capture avec la sulfateuse, tellement subtil...
RépondreSupprimerThe Killer est dans mon top 5 de tous les temps donc nous sommes faits pour nous entendre. Mes autres favoris sont Une balle dans la tête, A toute épreuve, le Syndicat du crime et Volte-Face - son seul film US que j'aime vraiment -. Pour le reste, je trouve que ça va du correct - le syndicat du crime 2 - au nullissime - Les larmes d'un héros, une catastrophe assez incroyable - en passant par le médiocre - ses autres films US -. Pas encore vu ce qu'il a fait depuis son retour en Chine, mais Woo aura donné plusieurs films de mon panthéon cinématographique.
RépondreSupprimerD'ailleurs, un autre plan à la The Killer qu'on trouve dans Return Engagement, c'est Andy Lau qui regarde ou son ses agresseurs grâce à leur reflet dans ses lunettes de soleil... Après, j'apprécie pratiquement autant les polars de la Milkyway par exemple ( pas tous mais les meilleurs Johnnie Tau et Patrick Yau ).
J'ai beau avoir vu The Killer environ 316 fois, j'ai toujours la larme à l'oeil lors des flashbacks sur l'amitié Chow Yun-Fat/Danny Lee à la fin.
Je trouve le Syndicat du crime 2 plus que correct pour l'action (Chow Yun-Fat qui glisse à l'envers sur un escalier en tirant!!!! Le finale!!!!) et l'amitié virile/amour fraternel, malgré son scenar plus handicapant. Et le thème musical dechire tout.
RépondreSupprimerDisons que quand t'as Chow Yun-Fat qui arrive avec un imperméable rempli de grenades, qu'il déglingue 14 figurants à chaque fois et que trois balles de mitraillette flinguent dix figurants chacune, c'est dur pour moi de prendre le film totalement au sérieux ; même si Woo n'a jamais été un cinéaste réaliste, je trouve que sur le Syndicat du crime 2 il franchit la ligne entre mise en scène opératique et autoparodie. Et j'ai du mal avec Dean Shek, le mafieux repenti. Pour autant c'est quand même un film que j'aime bien, plus que le 3.
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