vendredi 21 février 2014

Companeros (Sergio Corbucci, 1970)



Vasco (Tomas Milian), un pauvre peone mexicain, se retrouve après un quiproquo embarqué dans la révolution zapatiste. Il rencontre un suédois, Yodlaf Peterson (Franco Nero) avec lequel Vasco s'associe pour retrouver le professeur Xantos (Fernando Rey) qui détient la clé d'un coffre contenant le trésor révolutionnaire. En chemin, ils rencontre John (Jack Palance), un ennemi mortel du suédois qui n'aura de cesse de les poursuivre.

La scène introductive mérite d'être détaillée : des paysans sont contraints de voter pour Diaz sous contrôle de soldats. Le premier à refuser et à soutenir Xantos est directement fusillé contre un mur ensanglanté ; lorsqu'un officier demande à Vasco pour qui il vote, celui-ci refuse de répondre, à la suite de quoi une bagarre dans laquelle Vasco tue l'officier déclenche une révolte. Les hommes de Diaz sont tués par des cavaliers arrivés au dernier moment, un jeune homme crie " vive Xantos " et est immédiatement abattu par le chef des cavaliers, en réalité un profiteur de guerre.

Tout Companeros se trouve déjà dans cette scène : les incessants retournements de situation qui donnent au film sa dimension picaresque (les rapports entre Nero et Milian ne cessent de changer, tout comme leurs positions "sociales" ), la complexité du discours politique qui sans nier la légitimité révolutionnaire questionne sa mise en pratique, et cet humour très noir de Corbucci chez lequel les figurants tombent comme des mouches. Le film oppose très intelligemment une figure idéaliste (Fernando Rey) au cynisme d'un anti-héros uniquement motivé par l'argent (Franco Nero), le peone illettré opérant au final une synthèse de l'idéal de l'un et des méthodes de l'autre.



Dans la carrière de Corbucci, Companeros est le second opus d'une trilogie consacrée à la révolution mexicaine, entamée par le très bon Le Mercenaire avec déjà Franco Nero et Jack Palance et se concluant par un Mais qu'est ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ? introuvable dans nos contrées. Sans avoir vu ce dernier, on peut toutefois remarquer la progression du discours politique : là ou Le Mercenaire se terminait sur un abandon de la cause par Franco Nero, ici au contraire la séquence finale sera l'occasion pour celui-ci d'embrasser l'idéal révolutionnaire avec une joie non dissimulée. On retrouve également une euphorisante séquence à la mitrailleuse façon Django et des tortures à la cruauté et à l'inventivité typiques du cinéaste. La manière dont l'interventionnisme américain est dénoncé (ils acceptent de soutenir la révolution pour peu que leurs intérêts privés soient conservés) s'inscrit dans la lignée du premier grand western zapata italien, le superbe El Chuncho de Damiano Damiani. Curieusement, le visionnage de la version non censurée n'apporte guère plus de violence que celle du DVD français, en revanche le montage est légèrement moins abrupt tout en demeurant le principal point faible du film.




Le quatuor d'acteurs est l'un des plus beaux du western spaghettis et ils justifient le visionnage à eux seuls. Nero reprend à peu près son rôle du Mercenaire avec une décontraction loin de sa gravité dans Django, Milian restera la meilleure incarnation italienne du peone et loin de Bunuel, Fernando Rey fait un parfait universitaire idéaliste et détaché de la réalité (superbe réplique de Nero " En théorie vous avez toujours raison. En pratique... "). Mais la prestation la plus mémorable est certainement celle de Jack Palance en tueur maniéré assisté d'un faucon - qui connaîtra un destin aussi funeste qu'hilarant - doté d'une main mécanique ! S'ajoutent à tout cela une formidable bande-originale de Morricone, beaucoup de gags faisant mouche (Vasco qui tire dans le tas après avoir pris un appareil photo pour une arme, le malaise du suédois lors de sa rencontre avec John) et une mise en scène remarquable de dynamisme du meilleur réalisateur de westerns italiens après Leone. Un des fleurons du genre, et à mes yeux le plus beau Corbucci après son chef d'oeuvre Le Grand Silence.

4 commentaires:

  1. Merci ,toujours un plaisir! Pas vu la version non censurée, par contre, apparament j'ai rien manqué, ouf.Tiens coincidence, je me suis revu Le Grand Silence il y a une semaine (c'est toujours aussi génial!!) et j'ai vu le documentaire de 1968 où Corbucci dit qu'il a tué plus de 100 personnes et "cherche plus de manieres de tuer des gens", à l'entendre, on aurait pas dit que c'etait dans des films, c'etait assez flipant!

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  2. Non la version du DVD est très bien, y a franchement pas grand chose de plus thématiquement dans les scènes de la version longue (un gars qui se fait taper dessus par Franco Nero, une engueulade plus longue entre lui et Milian... ).

    C'est lequel ce documentaire ? J'en ai vu plusieurs sur les spaghs mais je ne suis pas sur d'en avoir vu un si ancien. Je ne sais plus dans lequel, ils interrogeaient Castellari qui vociférait contre le western " c'est nul, je déteste les westerns, c'est ridicule de faire encore des westerns ! " " Et c'est quoi votre prochain film ? " " Ben un western, évidemment ! ". En tout cas ton anecdote est cool, je ne la connaissais pas - par contre elle ne m'étonne guère d'un gros bourrin comme Corbucci -.

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  3. C'est dans celui là, avec la locomotive d' Il était une fois dans l'Ouest, Sollima en plein montage de Saludos Hombre et l'acteur américain qui dit que "dans un western hollywoodien, un gunfight, c'est 4 ou 5 tirs, en Italie ,c'est plus 40 ou 50." Mais c'est Corbucci qui dit qui déteste, Castellari kifait son job , il me semble (il aidait les acteurs à bien se battre face caméra et disait que c'était du bon divertissement, et que sans ça,il serait resté assistant-réal).

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  4. Le docu est sur le DvD Studio Canal du Grand Silence, ça s’appelle Italian Western Style.

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