Les trois premiers films de John Dahl explorent des univers très proches à base d'hommes faibles manipulés par des femmes fatales parmi les plus destructrices vues au cinéma. Si les héros de Kill me again et Red Rock West arrivaient encore à faire preuve d'un minimum de bon sens (Val Kilmer est tout à fait conscient d'être manipulé tandis que Nicolas Cage sort " gagnant " du jeu de trahisons entre Lara Flynn Boyle et lui), ici Peter Berg ne parviendra jamais à être autre chose qu'un pantin dont Linda Fiorentino dispose à sa guise. Si visuellement on est dans un classicisme rigoureux loin des excès d'un Basic Instinct, il est permis de préférer le film de Dahl qui assume jusqu'au bout son postulat de départ - la fin est l'une des plus noires et audacieuses du thriller - sans les renversements de situations grotesques du Verhoeven. C'est d'autant plus appréciable que dans ses deux films précédents, Dahl cédait au " retournement de trop " dans les dernières minutes ; ici hormis une très légère facilité (Bill Pullman qui retrouve sans problème l'endroit ou Linda Fiorentino se terre) le scénario est une petite merveille de rigueur et les 110 minutes se déroulent sans temps mort grâce à une intrigue savamment élaborée.
Linda Fiorentino réalise ici une performance extraordinaire de naturel. Elle est LA garce absolue, conjuguant parfaitement vulgarité et sensualité (la scène de séduction ou elle demande tout naturellement à Peter Berg de lui montrer son pénis) avec une incroyable aisance. Bien servie par des dialogues impeccables, elle vampirise ses partenaires de jeu aux rôles plus ingrats avec d'autant plus de mérite qu’intelligemment, le scénario ne lui cherche jamais d'excuse ou de raison visant à justifier son caractère de sociopathe ; en dépit du fait que son départ soit consécutif à une gifle de son mari, aucun des deux ne semble considérer sérieusement qu'il fut spontané et cette absence de psychologie transforme un cliché de femme fatale des années 40-50 en véritable icone féministe. L'humour n'est jamais envahissant et fonctionne très bien (les ploucs qui s'inquiètent de voir roder un noir, la discussion délirante entre Fiorentino et le détective privé sur les fesses des femmes blanches, le deal d'introduction qui bien plus efficacement que de longs dialogues nous fait comprendre que Bill Pullman est un crétin fini) et certaines conventions cinématographiques sont joyeusement bafouées : les coups censés assommer ont ici pour effet de faire hurler la victime...
Il est difficile de décrire certains aspects des personnages sans gâcher le plaisir des éventuels spectateurs, mais la manière dont le scénario rend les protagonistes masculins victimes avant tout de leur ego et de leur volonté de domination (Clay ne supporte pas l'idée que Bridget l'ait doublé et Mike revient blessé d'un mariage ou il fut pour le moins déçu) désamorce d'avance toute critique sur une supposée misogynie. Il est dommage que John Dahl ne parvienne pas à donner à son film l'ampleur dont celui-ci aurait eu besoin et se content d'un travail d'artisan consciencieux mais loin de révolutionner le genre comme les frères Coen avec Miller's Crossing par exemple. La musique jazzy, pas mauvaise pourtant, est d'ailleurs employée de manière aussi redondante qu'envahissante et la photographie se révèle plutôt quelconque.
A voir Last Seduction, on peut regretter la courte durée de la carrière de Linda Fiorentino autant que la disparition de John Dahl coincé entre films sans intérêt et épisodes de séries télé. A l'instar de Kill me again et Red Rock West, Last Seduction est une petite réussite du film néo-noir qui à l'instar des premiers Quentin Tarantino dépoussiéra joyeusement un genre tombé en désuétude.
Cette note est dédicacée à Johan H, qui déteste quand j'emploie le mot " salope ", ce pourquoi le terme autrement plus distingué de " garce " fut préféré dans cette chronique.
Cette note est dédicacée à Johan H, qui déteste quand j'emploie le mot " salope ", ce pourquoi le terme autrement plus distingué de " garce " fut préféré dans cette chronique.
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