mercredi 19 février 2014

Le Mystère du château de Blackmoor (Harald Reinl, 1963)



Lucius Clark, un vieillard en voie d'être anobli, reçoit la visite d'un mystérieux tueur encagoulé à la recherche de diamants que Clark aurait volé à Mannings, son associé décédé depuis. L'assassin fait comprendre à Clark qu'il pourrait s'en prendre à sa nièce Claridge (Karin Dor), une journaliste indépendante et courageuse. L'inspecteur Jeff Mitchell (Harry Riebauer) mène l'enquête tandis que l'atmosphère devient très pesante dans la demeure de Clark, le château de Blackmoor.

Ce krimi une nouvelle fois signé du spécialiste du genre Harald Reinl est encore moins convaincant que son inaugural La Grenouille attaque Scotland Yard. On retrouve des personnages stéréotypés (le vieillard au passé trouble, sa nièce volontaire et intrépide, un policier ironique et une galerie de seconds rôles aux motivations floues) mais le tout est mené avec un tel statisme et une telle absence d'envergure qu'on compte les minutes d'une oeuvre n'en contenant pourtant qu'à peine 84. Les seconds couteaux ayant fait la renommée des krimis, Klaus Kinski et Eddi Arent, sont ici aux abonnés absents et l'on doit se contenter d'habitués moins étincelants, la belle mais moyennement convaincante Karin Dor et le fade Harry Riebauer, sans parler d'un très mauvais Walter Giller en aristocrate excentrique ; échappe toutefois au massacre Dieter Eppler en repris de justice obsédé par les diamants. On ne nous épargne ni une intrigue longuette qui ne semble jamais décoller ni les fausses pistes trop évidentes (Walter Giller qui arrive toujours sur les lieux trente secondes après la fuite du méchant). Les diverses absurdités s’enchaînent et après Lucius Clark qui tire six balles sur l'homme masqué à deux mètres de lui sans le toucher, on découvrira que l'Allemagne est décidément avare en tireurs d'élite lorsque l'assassin armé d'une mitraillette réussira à rater trois personnes juste devant lui sur une autoroute éclairée ; à sa décharge, s'arrêter de tirer toutes les cinq secondes n'est sans doute pas la stratégie optimale. Seules quelques outrances graphiques (le motard décapité nous renvoie aux bons souvenirs de la femme mitraillée à bout portant dans La Grenouille attaque Scotland Yard) arrivent à extraire ce krimi du ventre mou du polar.



On peut pardonner tous les clichés au monde pourvu qu'ils soient mis en scène avec brio. Harald Reinl est malheureusement pour nous un artisan au style académique dépourvu de l'imagination de Feuillade ou du génie stylistique d'Argento. Les quelques éléments comiques généralement amenés par Walter Giller sont désastreux et on en vient souvent à avoir l'impression que tout ce beau monde est complètement idiot ; entre l'assassin qui fait franchement n'importe quoi (il laisse ses empreintes sur le premier cadavre pour bien qu'on sache qu'il lui manque un doigt mais décapite le second pour le cacher) et des méthodes policières tout à fait pertinentes (on identifie la maison du suspect sans demander à quiconque comment il s'appelle, sans appeler de renforts car à deux on ne risque pas de le voir s'enfuir) il arrive vite que la suspension d'incrédulité ne fasse plus effet et qu'on se désintéresse totalement de ce qui se passe à l'écran, les deux facteurs capables d'impliquer le spectateur (une réelle rigueur scénaristique ou une forte implication émotionnelle) n'étant pas du tout présents ici. De même, au bout de la dixième fuite du méchant dans un marais on en vient à haïr cette paresse narrative, d'autant plus qu'ici Reinl fait durer cinq bonnes minutes une séquence dont on connait déjà la fin.


Le Mystère du château de Blackmoor est un très mauvais krimi qui ne brille ni par ses acteurs ni par son ambiance ni par sa mise en scène, et sûrement pas par ses qualités scénaristiques. Quitte à se contenter d'un mauvais script, il eût fallu la démesure et l'ambition esthétique qu'appliqueront les italiens dans leurs gialli pour maintenir un minimum l'intérêt du public ; reste toutefois à voir si Harald Reinl oeuvra avec plus de réussite dans le domaine mythologique (ses Nibelungen) ou dans celui du western (sa sage Winnetou).

3 commentaires:

  1. Need les Winnetou!! J'ai vu ça dans le Jean-Francois Giré, mais jamais trouvé en magasin (et je tipiak pas)

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  2. J'ai vu un des Winnetou il y a longtemps sur une chaîne hertzienne, mais je suis totalement incapable de dire lequel. Globalement ça ne m'avait pas du tout emballé - trop lisse, trop gentillet - mais ils ont une importance historique évidente. De même, il y a une curiosité sur laquelle Giré ne s'étend pas - en revanche Aknin dans ses Classiques du cinéma bis en parle plus en détail -, c'est Joe Limonade, un western tchèque avec une sorte de héros à la Popeye qui devient surpuissant quand il boit de la limonade ! Typiquement le genre de films que je rêve de voir.

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  3. Je ne regarderais plus jamais les Tchèques de la même façon après cette révelation...

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