dimanche 2 février 2014

Django porte sa croix (Enzo G. Castellari, 1968)



Johnny Hamilton (Andrea Giordana) rentre de la guerre de sécession. Il découvre que son père a été assassiné et que son oncle Claude (Horst Frank) a épousé sa mère. Johnny soupçonne une implication de Claude et enquête avec l'aide de son fidèle ami Horace (Gilbert Roland).

Que le spectateur soupçonneux soit rassuré : non, les similitudes avec une célèbre tragédie shakespearienne ne sont pas le fruit de son imagination, le titre anglais étant même des plus explicites puisqu'il s'agit de Johnny Hamlet. A l'inverse, la traduction hexagonale vient comme souvent mettre du Django là ou il n'y en a aucun par opportunisme des distributeurs.

Le pitch suffit à faire du film un western singulier ; la réalisation de Castellari, connu des fans pour son superbe Keoma, est d'autant plus inattendue qu'elle ne ressemble pas du tout à celle de ses films des années 70 : pas de ralentis ici mais une théâtralisation totale dès la séquence introductive onirique dans laquelle Hamilton rêve de la mort de son père. Le soin apporté par le réalisateur à ses mouvements de caméra (avec l'un des plus beaux travellings circulaires du western italien, rarement aussi esthète) et à la photographie sont évidents. La scène d'embuscade dans le saloon, ou Hamilton survit ingénieusement en se cachant sous le plancher, est également d'une précision dans son montage dont Castellari ne pourra pas toujours s'enorgueillir dans ses productions ultérieures. On notera que près de dix ans avant Keoma, le héros subit déjà une crucifixion, mais il est difficile de déterminer si il s'agit d'une idée de Castellari ou de son scénariste Sergio Corbucci, réalisateur du premier Django dont Keoma sera un remake déguisé.




Si la mise en scène représente le haut du panier du western italien, on sera plus sceptique sur la prestation très moyenne d'Andrea Giordana qui fait regretter l'absence d'un acteur plus charismatique. Horst Frank reprend son habituel rôle de salaud avec conviction tandis que Gilbert Roland, en dépit de son talent, est victime de la pauvreté de son personnage ; il faut dire que la greffe entre le théâtre élisabéthain et l'univers du western italien prend parfois difficilement.

Au départ, l'on suit Hamlet avec une certaine fidélité ; on retrouve ainsi Claude/Claudius, Horace/Horatio, Gentry/Gertrude et même un duo de pistoleros nommés Guild et Ross traquant Hamilton comme Rosencrantz et Guildenstern suivaient Hamlet dans la pièce. Mais très vite, certains personnages disparaissent (Fortinbras), certains sont mélangés (le shérif semble une fusion de Laerte et Polonius) et d'autres bâclés, à l'image d'Emilie/Ophélie qui apparaîtra environ cinq minutes sur l'ensemble du film. En revanche, Castellari prend plaisir à orchestrer d'interminables bagarres à coups de poings entre Hamilton et les sbires de Claude, affaiblissant sa thématique d'autant plus que son Hamilton est beaucoup plus proche des vengeurs invincibles et surs d'eux-mêmes peuplant le western transalpin que du faible et indécis héros shakespearien. Plus cohérente a priori mais ne fonctionnant pas tout à fait dans le film, l'idée de la troupe de théâtre répétant Hamlet justement est parfois redondante, là ou le décalage " à l'italienne " des scènes dans le cimetière les rendent proprement savoureuses.



Autre petit grief plus personnel : les choix de musique de Castellari ne sont pas toujours les plus évidents du western italien. Si la musique folk de Keoma possède bon nombre de détracteurs, elle donne toutefois au film une tonalité étrange qui s'accorde assez bien avec l'ambiance générale. Ici, la bande-originale de Francesco de Masi est très inférieure à ce que pouvaient donner Morricone ou Bacalov à la même époque. Plus anecdotique, la séquence ou Horst Frank déambule couvert d'or semble reprise sur le délirant Tire encore si tu peux de Giulio Questi sorti l'année précédente, sans en atteindre l'outrance.

Django porte sa croix est, quoique inégal, une belle curiosité au sein d'une carrière en dents de scie et la révélation d'un Castellari moins brouillon que le cinéaste des films de guerre ou des post-acalyptique plus connus aujourd'hui.

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