mercredi 15 janvier 2014

Le Grand Duel (Giancarlo Santi, 1972)



Philipp Wermeer (Alberto Dentice) est traqué par des chasseurs de primes lorsqu’un mystérieux shérif, Clayton (Lee Van Cleef) lui sauve la vie. Wermeer a été condamné pour le meurtre du patriarche de la famille Saxon dont les trois fils, menés par David (Horst Frank) sont bien décidés à abattre Wermeer.

Peu de cinéastes œuvrant dans le western italien trouvaient grâce aux yeux de Sergio Leone, si l'on excepte deux de ses anciens assistants : Tonino Valerii et Giancarlo Santi. Le premier réalisera ainsi Mon nom est personne dont la mise en scène était convoitée par le second, qui signera en 1972 son unique western après avoir été évincé du tournage de Il était une fois la révolution. Et si les accusations de plagiats leoniens sont souvent infondés dans le western italien, il reste qu'à l'instar d'un Giulio Petroni dans son intéressant La mort était au rendez-vous Santi ne parvient pas à se démarquer suffisamment du maître. Une éprouvante fusillade ou Adam Saxon mitraille des réfugiés nous rappelle aux souvenirs de Pour une poignée de dollars ; la très belle idée du flash-back en plusieurs temps sur l'identité du tueur du vieux Saxon est quant à elle un décalque de celle de Frank dans Il était une fois dans l'ouest, enfin Lee Van Cleef reprend son personnage de chasseur de primes taciturne crée dans Et pour quelques dollars de plus et dont il rendossera le costume à plusieurs reprises au sein du western italien.




Pour autant, le film de Santi fait partie des bons crus d'un genre trop souvent décrié. Déjà parce que faute d'être un génie, Santi se révèle un artisan largement capable et ayant bien retenu les leçons du grand Sergio. Certaines séquences hautement sous influence font partie des plus belles du film, comme le règlement de comptes final à un contre trois magnifié par son sens du cadre et du montage (les allergiques aux gros plans sur les yeux passeront leur tour) ou celle dans laquelle Adam Saxon abat un vieillard qui fait apparaître une filiation inattendue avec L'homme des vallées perdues !

Toujours au rayon des réjouissances : si Luis Bacalov n'a pas l'aura d'un Ennio Morricone auprès du grand public, il demeure l'un des meilleurs compositeurs du genre et signe ici une bande-originale magnifique dont Quentin Tarantino saura se souvenir. Qui plus est, contrairement à d'autres cinéastes, Santi soigne leur adéquation aux images et le thème principal, bien que fréquemment utilisé, ne semble pas trop redondant ici. Et si les VHSrip français présentaient une image sale et délavée, le blu-ray américain rend parfaitement justice à la belle photographie de Mario Vulpiani, le chef opérateur de La Grande Bouffe



Le tandem vedette est totalement déséquilibré en terme de charisme et un Van Cleef égal à lui-même n'a aucun mal à éclipser un Alberto Dentice pénible et falot, d'autant plus que le scénario tente de donner une dimension comique à son personnage (par le biais notamment des cascades improbables qu'il effectue) avec un insuccès constant. Il faut dire qu'en 1972, le western italien est déjà déclinant depuis plusieurs années et qu'à la période baroque de la fin des années 60 a succédé la mode comique inaugurée par On l'appelle Trinita en 1970 ; et si Le Grand Duel rate ses incursions comiques, elles sont toutefois considérablement moins lourdingues que dans la majorité des productions de l'époque. 

Dernière bonne surprise : les frères Saxon font d'excellents méchants et si l'on excepte un Eli Saxon en retrait, les prestations d'Horst Frank en chef de famille et surtout de l'impressionnant Klaus Grunberg en psychopathe homosexuel vérolé et tétanisant sont mémorables. Il est un petit peu dommage que le scénario ne les exploite pas plus, et en dépit d'une mise en scène sous influence Le Grand Duel aurait pu figurer parmi les excellents westerns italiens si tout le film avait été du niveau de sa dernière partie resserrée autour des Saxon et de Lee Van Cleef ; quelques passages laborieux et la fadeur d'Alberto Dentice n'altèrent toutefois pas vraiment le plaisir du spectateur devant l'une des dernières tentatives " sérieuses " d'un genre en pleine débandade grand-guignolesque. Quelques années plus tard, Enzo Castellari lui donnerait un enterrement de choix avec son superbe Keoma.

4 commentaires:

  1. Je découvre ce blog et c'est génial, je connaissais tes critiques sur magiccorp, tu as un super style et c'est trés interessant de decouvrir des films de genre (dont je suis friand) méconnus ou fondateurs. Continue comme ça!

    RépondreSupprimer
  2. Salut Augustin ( c'était quoi ton pseudo sur MC ? ). Effectivement j'ai une grosse tendresse pour les vieux films de genre et il y aura sans doute beaucoup de westerns spaghettis, de films d'épouvante, de kung-fu, de chambara et de divers films de monstres dans les prochaines chroniques.

    Je pars dans l'optique de décrire non pas forcément les meilleurs films du monde mais ceux dont vous n'entendrez pas forcément parler cent fois ailleurs. En tout cas, ton commentaire me fait super plaisir.

    RépondreSupprimer
  3. Je postais pas sur MC, je regardais juste le TQSAR de temps en temps. J'adore les westerns spaghettis (c'est pour ça que j'ai commenté sous Le grand duel) , à quand une prochaine critique, sans te forcer la main, bien sûr ? Je vais essayer de parler de ton blog autour de moi, j'aimeras pas étre le seul à commenter :-))
    A la prochaine!

    RépondreSupprimer
  4. La prochaine critique normale c'est ce soir ou demain, concernant les westerns j'en ferai sans doute un la semaine prochaine, j'hésite encore entre le Johnny Hamlet de Castellari et la version intégrale du Companeros de Corbucci. Mais sinon, à part les Leone, Django et le Grand Silence que j'ai vus et revus (donc pas trop envie de les voir pour la 17ème fois avant de les chroniquer), je ne suis pas contre des suggestions concernant des visionnages de ce type de films là.

    Merci pour la pub, c'est vraiment sympa.

    RépondreSupprimer