dimanche 12 janvier 2014

Comme un homme libre (Michael Mann, 1979)



Larry Murphy (Peter Strauss), un prisonnier condamné à perpétuité, n'a qu'un seul centre d'intérêt : la course. Tous les jours, Murphy s'entraîne jusqu'à ce qu'un journaliste découvre qu'il court à une vitesse digne des champions olympiques. 

Ce téléfilm signé d'un futur grand nom du polar est une très belle entrée en matière pour Michael Mann ; faute de posséder la maestria formelle de ses chefs d'oeuvre à venir, Comme un homme libre est néanmoins déjà un film marqué par les obsessions de son auteur, avec ce portrait d'un homme mutique dont la passion pour la course est l'unique moyen lui permettant encore d'exister entre les murs de sa prison. En dehors de cet aspect, il ne se caractérise guère que par son amitié avec un autre détenu, Stiles, et par le crime qu'il a commis avant d'être incarcéré. On est aussi surpris du fait que contrairement à beaucoup de films de prison, il y a peu de personnages réellement négatifs : les gangs de noirs et de latinos finissent après quelques péripéties par être des soutiens déterminants pour Murphy tandis que l'administration pénitentiaire est plutôt satisfaite de cette bonne publicité, d'autant plus que Murphy est un détenu exemplaire. Cet humanisme du réalisateur flirte ici régulièrement avec le sentimentalisme et le spectateur habitué à l'univers carcéral d'une série comme Oz pourrait trouver bien naïfs certains retournements de situation, mais une belle fin en demi-teinte vient heureusement tempérer cet aspect.



Pour un premier (télé)film, Mann montre une belle maîtrise de la mise en scène. Son usage des ralentis lors des scènes de course ou celui des battements de cœur comme unique fond sonore sont faits avec suffisamment de parcimonie pour fonctionner. Les longs travellings latéraux quadrillant la prison sont aussi efficaces tout comme les quelques moments plus nerveux. Mais si Mann-metteur en scène, dans les limites du budget attribué, s’avère relativement efficace, c'est moins le cas en ce qui concerne Mann-scénariste. Au-delà des bons sentiments déjà évoqués, il nous gratifie d'un personnage d'un entraîneur-sportif frustré franchement cliché et semble peiner à tenir une heure et demie autour d'une " simple " histoire de course, délivrant quelques intrigues secondaires moyennement convaincantes d'autant plus qu'elles concernent Stiles, l'ami noir de Murphy, incarné par un Richard Lawson au jeu très approximatif. Au contraire, Peter Strauss dans le rôle principal et Brian Dennehy en salaud se révèlent beaucoup plus convaincants.

La grande force de Comme un homme libre, c'est que si les derniers films de Mann tendaient vers l'abstraction en transformant leurs personnages en figures iconiques, ici le héros quoique mutique est extrêmement attachant. Ses discrets moments d'empathie envers Stiles ou la scène de confrontation avec le leader du gang de noirs font partie des séquences les plus émouvantes du cinéma de Mann, et les scènes de course sont ainsi chargées d'une réelle intensité émotionnelle.



Etre un grand cinéaste, c'est être quelqu'un dont la présence derrière la caméra peut suffire à changer bien des choses. Avec un script non-dénué de facilités scénaristiques comme celui de Collatéral, nombre de metteurs en scène auraient accouché d’une œuvre moyenne ou médiocre alors que Mann signait à cette occasion l'un des plus beaux polars de la décennie. Dans une bien moindre mesure, c'est ce qu'il accomplit dans ce Comme un homme libre qu'il élève au-dessus de sa condition de téléfilm carcéral banal grâce à une mise en scène élaborée et à un excellent Peter Strauss. Et si une musique pour le moins datée - Mann n'est pas le plus mélomane des cinéastes -, un script bancal et un casting inégal empêchent d'y voir un grand film, il n'en reste pas moins que Comme un homme libre est une très belle entrée en matière dans laquelle le talent du réalisateur se manifeste déjà.

Le film est également connu sous son titre original The Jericho Mile mais reste malheureusement difficile à voir ; un grand merci à la chaîne 13ème rue pour l'avoir diffusé.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire