vendredi 10 janvier 2014

Brutal tales of chivalry 1 (Kiyoshi Saeki, 1965)


Seiji (Ken Takakura) rentre de la guerre lorsque son oyabun est assassiné par le clan rival Iwasa. Sur son lit de mort, celui-ci désigne Seiji comme successeur, mais lui interdit de démarrer un conflit contre Iwasa. Seiji découvre également que la femme qu'il aimait est désormais mariée.

L'histoire du film de yakuza se divise en deux sous-genres : le ninkyo, ou film de yakuzas chevaleresques, mettait en scène des personnages positifs tandis que le jitsuroku, ou film de yakuzas réaliste, ne présentait que des héros égoïstes totalement détachés du code d'honneur traditionnel. C'est cette deuxième tendance qui fut la plus diffusée en France, notamment par le biais des films de Kinji Fukasaku, c'est pourquoi découvrir des ninkyos comme ce Brutal Tales of Chivalry lorsque l'on est habitué à la violence exacerbée de leurs successeurs donne un effet similaire à celui de découvrir John Ford après Sergio Leone. Les puristes du cinéma de genre préféreront sans doute la frénésie et la vision désenchantée des jitsurokus tendis que d'autres apprécieront le classicisme formel ou la retenue des ninkyos, dont ce Brutal Tales of Chivalry est l'un des archétypes les plus exemplaires.



 
Ainsi, on retrouve l'opposition entre le bon clan, qui œuvre pour la collectivité, et le mauvais clan dont l'accoutrement (lunettes de soleil, casquettes, cravates pour les chefs) montre la soumission aux intérêts américains au contraire d'un Ken Takakura arborant fièrement son kimono. Comme le soulignait pertinemment Paul Schrader dans son article sur le yakuza-eiga, l'une des situations les plus fréquentes du ninkyo oppose le devoir (ici Seiji tente de faire respecter les dernières volontés de son mentor et accepte le mariage de celle qu'il aime) à l'humanité (les hommes de Seiji ulcérés par les exactions du clan Iwasa) ; la mort de plusieurs de ses hommes conduira Seiji à affronter l'ensemble du clan Iwasa à l'arme blanche.

Quelques idées scénaristiques et quelques personnages relèvent légèrement un script ultra-balisé. C'est la relation entre Seiji et Kazama, un nouveau yakuza dans le clan Kawada ; c'est une belle séquence de retrouvailles entre celui-ci et sa sœur disparue lors de funérailles, c'est enfin un beau moment presque absurde ou le second de Kawada et Kazama rivalisent de politesses avant d'accepter de se considérer comme des égaux. Le reste du temps, les bons sentiments sont omniprésents : Seiji est irréprochable, que ce soit envers les femmes, envers ses hommes ou envers les petits commerçants. Heureusement, le charisme des acteurs tire le film vers le haut et si Ken Takakura deviendrait vite le héros le plus emblématique du ninkyo-eiga, le solide casting de seconds rôles qu'on retrouvera chez Fukasaku (Hiroki Matsukata, Tatsuo Umemiya) et la présence de l'excellent Ryo Ikebe en Kazama parviennent à faire exister des personnages stéréotypés.




Si l'on ne tarit pas d'éloges à propos des acteurs, il n'en est malheureusement pas de même à propos de la mise en scène de Kiyoshi Saeki. Parfois brouillonne et approximative, elle peine dans son classicisme à égaler le travail d'un Tai Kato, par exemple. Le moment le plus décevant est ainsi le règlement de comptes final : si celui-ci est tout à fait correct cinématographiquement parlant, il échoue complètement à donner ce sentiment purificateur qui caractérise les explosions de violence achevant les meilleurs films de yakuzas. Rythmiquement, il accuse également une baisse de régime avant les dix dernières minutes.

Brutal Tales of Chivalry est le premier épisode d'une série qui en comptera neuf et qu'on trouve parfois référencés sous leur titre japonais Shôwa zankyô-den. Si ce premier opus ne représente pas un sommet du film de yakuza, il demeure un divertissement agréable et impeccablement joué.

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