lundi 20 janvier 2014

Hercule et la reine de Lydie (Pietro Francisci, 1959)

 


Hercule (Steve Reeves) se rend à Thèbes ou l'un des fils d'Oedipe, Etéocle, a usurpé le pouvoir qu'il devait partager avec son frère Polynice, qui quant à lui a pris les armes contre la cité à l'aide d'argiens. Hercule propose à Etéocle de régler pacifiquement le conflit, et part avec Ulysse (Gabriele Antonini) tandis que sa femme Iole (Sylva Koscina) est retenue en otage par Etéocle. 

Un an après Les Travaux d'Hercule, le trio Francisci/Reeves/Bava remet le couvert pour une suite supérieure sur tous les plans à l'original. La mise en scène de Francisci est ici plus ample, moins statique que durant le premier épisode et délivre quelques beaux moments de cinéma. Steve Reeves est de plus en plus naturel en Hercule et faute de composer un héros shakespearien, il surpasse aisément la majorité de ses concurrents culturistes, d'autant plus que l'humour fait son apparition (les amis d'Hercule qui ne le reconnaissent pas car il s'est empâté durant son séjour au palais d'Omphale). Mais c'est toujours la photographie de l'immense Mario Bava qui demeure la principale raison pour laquelle les péplums de Francisci méritent le détour. En effet, les passages chez Omphale annoncent déjà l'ambiance gothique des futurs classiques de Bava (Le Masque du démon, le second sketch des Trois visages de la peur) et sont sublimés par une photographie colorée totalement kitsch qui en font un véritable délice visuel.



Encore une fois, le scénario opère une synthèse a priori curieuse entre plusieurs mythes antiques ; Hercule y est donc de nouveau flanqué d'un Ulysse adolescent au rôle de " petit malin " pour le moins casse-pieds ; capturé par Omphale, il apparaît que celle-ci devient pour les besoins du film une sorte de veuve noire qui exécute ses amants après l'acte. Si l'excursion d'Hercule peut rappeler au départ celle chez les amazones dans Les travaux d'Hercule, l'amnésie du personnage et la cruauté de la reine - là ou les amazones n'étaient que des féministes avant l'heure se protégeant contre leurs agresseurs - font d'une bifurcation scénaristique risquée sur le papier une agréable sous-intrigue, d'autant plus qu'elle contient quelques très belle idées tirées du cinéma d'épouvante que je laisse découvrir au spectateur curieux.

De même, l'inclusion de l'histoire des Sept contre Thèbes est tout à fait réussie, notamment grâce à un duel final convaincant entre les deux frères et à un Sergio Fantoni impérial en Etéocle. Les méchants volent d'ailleurs la vedette aux héros ici car en dépit de la conviction de Steve Reeves, Fantoni et Sylvia Lopez en Omphale éclipsent facilement une Sylvia Koscina très mal intégrée au script et un Gabriele Antonini insupportable en Ulysse. Francisci n'a pas non plus retenu la leçon du combat contre le lion raté des Travaux d'Hercule et nous en livre un décalque rallongé contre une horde de tigres sensiblement aussi effrayants qu'une descente de lit animée. En revanche, les moments " herculéens " sont plus impressionnants cette fois-ci, avec Steve Reeves s'en donnant à coeur joie pour tout détruire lors de l'affrontement final même si le manque de budget empêche ces moments de rivaliser avec l'ampleur des grands péplums américains.



Paradoxalement, les forces du film, notamment esthétiques, deviennent également ses faiblesses : il y a un réel manque d'unité entre les séquences de péplum classiques " à l'américaine " et les moments plus fantasmagoriques " à l'italienne ". On a parfois l'impression que Francisci, après un premier péplum résolument classique, hésite encore à franchir le pas du mélange des genres et de la folie qui irrigueront le cinéma de genre italien pour le meilleur et pour le pire, un peu comme certains westerns de l'immédiat post-Leone resteront tiraillés entre classicisme et baroque. Toutefois, Hercule et la reine de Lydie allait enclencher un signal dans lequel des cinéastes comme Bava ou Freda s'engouffreraient volontiers, au grand désespoir des puristes du péplum américain constatant le déferlement des Hercule contre les vampires et autres Maciste contre le fantôme. En attendant, Francisci aura signé un petit classique du péplum italien.

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