lundi 13 janvier 2014

La Grenouille attaque Scotland Yard (Harald Reinl, 1959)



Un mystérieux criminel nommé La Grenouille commandite divers vols à Londres. L'inspecteur Elk (Siegfried Lowitz) parvient à infiltrer l'un de ses hommes parmi la bande de la Grenouille, mais celui-ci est assassiné. De son côté, le détective amateur Richard Gordon (Joachim Fuchsberger), aidé de son majordome, est également sur la piste du criminel.

Encore une fois, il s'agit d'un film fondateur puisque déclencheur de la vague de krimis, films policiers allemands qui auront une descendance par le biais du giallo italien. Les krimis " officiels " étaient des adaptations du romancier Edgar Wallace produits par la Rialto et dont les metteurs en scène attitrés furent Harald Reinl et Alfred Vohrer, ce dernier étant d'ailleurs le cinéaste allemand favori de Quentin Tarantino. Les krimis prenaient différentes formes et on pourrait distinguer quelques thématiques récurrentes : serial killer et autres maniaques, maisons hantées ou encore organisations criminelles à la Fritz Lang comme c'est le cas ici. On pense également aux Fantomas de Louis Feuillade, le sens du délire et l'inventivité du cinéaste français qui inspira les surréalistes étant malheureusement remplacé par une mise en scène routinière et apathique.




Il est difficile de résumer La Grenouille attaque Scotland Yard. Elk soupçonne l'existence d'un traître au sein de la police après que divers suspects appréhendés ont été libérés ou tués. Gordon, quant à lui, imagine un lien entre la Grenouille et un dénommé Benett ; et si Gordon s'attache évidemment à la fille de Benett, c'est le frère de celle-ci qui est au cœur des attentions de la Grenouille. Enfin, une dernière piste indiquerait que la Grenouille était autrefois le membre d'une organisation criminelle dont le chef, le psychopathe Harry Line, fut abattu.

Hélas, tout ceci est en réalité beaucoup plus confus qu'intrigant. Le problème est moins la profusion de personnages que l'incapacité du réalisateur à savoir raconter son histoire avec clarté : par exemple, un personnage apparaît lors d'un dîner, se fait interroger par Gordon à propos de la Grenouille et reviendra pratiquement une heure plus tard révéler son implication. De même, le rôle de Benett est pour le moins nébuleux et rapidement, on se désintéresse des liens entre les personnages pour se concentrer sur l'action qui, bien que présente, n'est guère enthousiasmante. Là ou Alfred Vohrer se ferait remarquer par la sophistication de ses cadrages et par ses audaces visuelles, l'académisme de la mise en scène de Reinl échoue à produire le moindre moment un tant soit peu marquant cinématographiquement si l'on excepte une scène de mitraillage à bout portant surprenante de brutalité. Toutefois, grâce à la multiplication de rebondissements et de fausses pistes, l'heure et demie passe sans trop d'ennui.



En ce qui concerne le whodunit - la recherche du coupable parmi les protagonistes du film - il cumule l'évidence (comme souvent, il suffit de voir de quel personnage la narration se désintéresse pour débusquer le tueur) et la banalité tant ses motifs sont peu intéressants. Au final, l'aspect le plus original est la relation entre le détective et son majordome qui rappelle fortement celle entre Batman et Alfred ou, l'espace d'une scène d'entrainement au combat, celle entre l'inspecteur Clouseau et Kato dans la série La Panthère Rose !

Joachim  Fuchsberger compose un héros relativement peu charismatique dont les épopées sentimentales peuvent parfois arracher un bâillement, ce qui ne l'empêchera pas de devenir l'un des héros récurrents du krimi. A l'inverse, Siegfried Lowitz est bien plus convaincant en flic ironique tandis qu'Eddi Arent inaugure sa longue suite d'interprétations de majordome so british dans lesquelles il se spécialisera avec talent. Et si le film n'est finalement guère épique, il aura eu le mérite d'inspirer quantité d’œuvres plus inspirées et plus mémorables notamment par le biais des gialli qui exacerberont certaines singularités formelles des krimis. En attendant, il serait toutefois excessif de bouder l'une des rares tentatives allemandes de cinéma de genre stylisé.

2 commentaires:

  1. "Là où Alfred Vohrer se ferait remarquer par la sophistication de ses cadrages et par ses audaces visuelles" : il ne faut peut-être pas exagérer ! Il n'est que de visionner des bandes comme "La Porte aux sept serrures" ou "Parmi les vautours" pour comprendre que l'on est en présence d'un honnête tâcheron d'outre-Rhin sans grande originalité ! Le cinéma de Reinl, en revanche, recelait des idées de mise en scène et un sens du cadre largement sous-estimés [voir notamment "U47 - Kapitänleutnant Prien" (1958), "Le Trésor du Lac d'argent" (1962), "La Vengeance de Siegfried" (1967), "Le Vampire et le sang des vierges" (1967)].

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour anonyme.

    De ce que j'ai vu de Vohrer - uniquement des krimi - je trouve quand même qu'il s'agit d'un metteur en scène supérieur à Reinl, il y a fréquemment des jeux de reflet et de miroirs assez intrigants, par exemple. Que Reinl ait ou offrir un travail plus intéressant sur ses westerns ou ses films mythologiques, je veux bien te croire, mais comme réalisateur de krimi je le trouve franchement médiocre. Je note tes conseils dans un coin de ma tête.

    RépondreSupprimer