Yuki (Meiko Kaji) est traquée par les hommes du gouvernement, puis capturée et condamnée à mort avant d'être libérée par un obscur groupuscule qui lui demande d'infiltrer l'entourage d'un professeur anarchiste, Tokunaga (Juzo Itami). Celui-ci est parfaitement conscient du fait que Yuki est supposée l'assassiner et lui raconte pourquoi le gouvernement traque les anarchistes.
Ce deuxième et dernier Lady Snowblood se démarque assez singulièrement du premier opus. Contrairement à l'autre manga de Koike adapté à l'époque, Lone Wolf and cub et sa monumentale ampleur en 26 tomes, Lady Snowblood était dès le départ une saga beaucoup plus courte composée uniquement de trois volumes, dont la quasi-totalité forme le premier film de Fujita. D’ou un second opus qui s'écarte narrativement de son prédécesseur, se concentrant sur l'emploi d'assassin de Yuki plus que sur ses objectifs personnels. On perd ainsi la structure en chapitres pour une certaine linéarité, tout comme les chansons de Meiko Kaji dont le manque se fait ici cruellement sentir - la nouvelle musique étant assez quelconque -. Le premier Lady Snowblood était à la fois cruel et touchant, politisé et exploitationniste, brutal et tendre ; le second se radicalise et offre un film dont la dimension politique très présente tend à éclipser les autres aspects caractérisant le personnage au départ. Ainsi, si on apprécie la prise de risques (parmi les sagas japonaises, il s'agit certainement du plus grand virage opéré, ce qui est d'autant plus surprenant qu'il est signé par le même cinéaste qui avait réalisé le premier film) il apparaît toutefois que l'équilibre qui aboutissait à la perfection de l'opus originel est ici rompu. Restent suffisamment de belles scènes (le lancer de sabre, la rencontre avec le docteur) dans lesquels Fujita confirme son talent de réalisateur.
La première scène, dans laquelle un long travelling arrière accompagne une Yuki se débarrassant tranquillement d'une dizaine d'assaillants, est d'autant plus mémorable qu'elle restera le principal moment de brio visuel du film. Le reste du temps, on oscille entre artisanat inspiré et brouillon formel, avec notamment des combats très inférieurs à ceux des meilleurs Baby Cart. Un autre problème est qu'en abandonnant la galerie de méchants qui permettaient d'incarner divers facettes de l'opportunisme économique, Fujita n'est pas capable de fournir à son héroïne des antagonistes suffisamment intéressants ou charismatiques, et ce d'autant plus que les acteurs tendent à surjouer assez régulièrement. Bien plus captivante est l’interaction entre Yuki et les trois personnages rebelles : un professeur anarchisant (qui n'est pas sans rappeler les théoriciens que pouvait jouer Fernando Rey dans les western zapata italiens), sa femme et son ancien ami devenu ermite qui fut également l'amant de sa femme. En offrant plusieurs figures contestatrices distinctes, il permet de montrer tant leurs contradictions (ils se sont battus pour une femme alors qu'ils partagent un idéal libertaire, le professeur engage une sorte d'aide à domicile alors qu'il dit combattre les exploiteurs) que leurs différences de point de vue : là ou le professeur cherche à montrer une révolution, l'ermite compte s'en servir de l'argent pour rénover les quartiers les plus délabrés. L'absence de manichéisme dans leurs conflits donne une réelle complexité politique à un film d'exploitation dont le propos n'est pas moins concerné que celui de bien des films engagés.
Si ce développement très poussé du propos politique se fait parfois au détriment de l'action, il a aussi pour défaut de diminuer l’ambivalence de Yuki. Devenue ici héroïne des réprouvés et des laissés pour compte du système, elle se transforme en simple sabreuse sans véritable background personnel. Si Meiko Kaji reste toujours une des présences physiques les plus impressionnantes du cinéma nippon, on regrette les moments laissant entrevoir ses failles et ses tourments dans le premier opus, ce point étant en partie rattrapé par des scènes de torture des anarchistes non dénuées d'humanité. Lady Snowblood love song of vengeance reste l'un des films d'exploitation marxistes les plus réussis (ici, on a un très gros faible pour le Zatoichi : le justicier signé Satsuo Yamamoto et pour le délirant Elle s'appelait scorpion) faute de pouvoir rivaliser avec Lady Snowblood : Blizzard from the Netherworld.
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