Bandits à Milan fut l'un des films à l'origine du poliziottesco, le polar de série B italienne. Il en est en revanche l'un des représentants les plus atypiques car il ne se situe dans aucune des deux tendances principales que le genre pourra compter, le polar sécuritaire ou un flic (la plupart du temps joué par le calamiteux Maurizio Merli) applique une justice expéditive à faire passer l'inspecteur Harry pour un instituteur pacifique et bienveillant, et le polar de machination ou un petit truand entre en conflit avec une organisation aux ramifications multiples dans lequel s'illustreront notamment les talentueux Fernando Di Leo, Sergio Sollima et même Lucio Fulci.
Bandits à Milan, lui, est une sorte d'application des codes du film-dossier à la Rosi à un canevas traditionnel de film de casse. Les 20 premières minutes sont extrêmement déroutantes : on découvre des bribes d'informations (un homme attaqué par une foule avide de lynchages, des cadavres disséminés sur une route, un commissaire en plein interrogatoire), Lizzani multipliant les points de vue sans s'attacher particulièrement à qui que ce soit. La mise en scène laisse pratiquement croire à un documentaire et enchaîne les mouvements brusques et les interruptions rapides qui évoquent une enquête journalistique. Plus tard, elle nous embarque dans diverses fausses pistes suivies par la police (des fausses dénonciations faites pour plaisanter, une femme qui cherche " du réconfort ") jusqu'à nous conduire au vif du sujet et au personnage central : Piero Cavallero, véritable fou furieux incarné par Gian Maria Volonté, intelligent, charismatique et illuminé, cerveau du casse, chef de bande mégalomane dont l'ego - il n'hésite pas à commettre trois casses d'affilée - pourrait presque laisser imaginer qu'il cherche à se laisse prendre comme le fera le policier qu'il incarnera dans Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon.
La longue poursuite en voiture durant laquelle Volonté tire dans la foule constitue un formidable moment de bravoure et égale facilement les meilleures scènes d'action chez Di Leo ; elles est en revanche victime de la structure du film qui place le climax aux environs des deux tiers de la durée et passe une vingtaine de minutes à courir derrière des bandits neutralisés et réduits à l'inefficacité. Il est d'ailleurs intéressant de constater que tous les efforts déployés par Lizzani pour faire prendre une certaine hauteur de vue à son film (on suit les victimes quelques minutes avant qu'elles se fassent abattre pour désamorcer le suspens, on donne quelques éléments de background autour du plus jeune des braqueurs) seront rapidement sabordés par ses successeurs moins talentueux. Des metteurs en scène comme Sergio Martino ou Umberto Lenzi ne retiendront de Bandits à Milan que la violence et les personnages de voleurs psychotiques sans s’embarrasser de nuances et il est quelque peu ironique de voir que Carlo Lizzani, ancien résistant et membre du parti communiste, aura été l'inspirateur de la veine la plus réactionnaire d'un genre qu'il a contribué à créer.
Si Tomas Milian est tout à fait crédible en commissaire (par la suite, on le verra beaucoup plus fréquemment de l'autre coté de la loi), Gian Maria Volonté est comme souvent impérial en fou furieux au regard hypnotique et au sourire goguenard qui vampirise l'écran à chaque apparition, à la fois démystifié en permanence par les événements (il se fait prendre de manière tout à fait bénigne, sans aucun héroïsme de part ou d'autre) et pourtant d'une assurance jusqu'à la fin (le film se termine par son rire narquois) qui ne va pas sans créer de malaise. Il eut simplement fallut un peu d'émotion à Bandits à Milan pour rivaliser avec le chef d’œuvre du genre, le Revolver de Sergio Sollima. En l'état, le mimétisme avec les films-dossiers est poussé jusqu'à partager parfois une sorte de raideur théorique qui n'empêche nullement Bandits à Milan d'être une des plus éclatantes réussites du poliziottesco.
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