samedi 21 juin 2014

Les Révoltés de la cellule 11 (Don Siegel, 1954)



Sur l'instigation de Dunn (Neville Brand), un groupe de prisonniers parvient à se rebeller et à prendre quatre gardiens en otage. Le directeur Reynolds (Emile Meyer) souhaite éviter le bain de sang et entame des pourparlers avec Dunn dans une grande tension. L'arrivée du gouverneur hostile aux négociations avec les forçats aggrave encore la situation.

Don Siegel est à l'instar de Fuller un cinéaste difficile à appréhender politiquement. Son film le plus connu, l'Inspecteur Harry, sera qualifié de fasciste par une partie de la critique française, tandis que son chef d'oeuvre Tuez Charley Varrick! exprime en filigrane l'idée d'une mondialisation galopante à laquelle le " dernier des indépendants " s'oppose. Les révoltés de la cellule 11 est sans être à leur hauteur un film qui a le mérite de montrer une veine plus méconnue chez Siegel, une veine sociale dans la parfaite continuation du cinéma engagé des années 30. Son talent de metteur en scène s'y trouve encore dans un état embryonnaire - il serait difficile d'y voir la marque d'un quelconque style tant formellement il ne distingue guère de la production courante - mais cet aspect est compensé par un scénario thématiquement très riche.



Les révoltés de la cellule 11 fonctionne sur une série d'oppositions. D'abord, celle entre le leader des émeutiers, Dunn, et le directeur de la prison, Reynolds. Cette opposition de façade cache en réalité de nombreux buts communs et lorsque les prisonniers rédigent la liste de leurs revendications, le gouverneur note leur similitude avec les vues progressistes de Reynolds. Comme le directeur est empêché d'agir par les institutions, Dunn est quant à lui tiraillé entre une violence revancharde qu'incarne son adjoint Carnie et un intellectualisme moins frontal représenté par le Colonel. Et si Carnie est clairement décrit comme un personnage négatif, les interactions entre Dunn et le Colonel sont plus complexes et plus nuancées. Siegel ne romantise pas excessivement son anti-héros (il n'hésite pas à frapper un noir, non par racisme mais parce que pour lui un opposant à l'émeute n'est qu'un ennemi) et si Dunn n'a rien de sadique, il n'en demeure pas moins prêt à tout pour obtenir ce qu'il souhaite.

Il est intéressant de constater la très faible quantité d'informations que le spectateur reçoit sur la psychologie des émeutiers, sur leur vie avant la prison et notamment celle de Dunn. Il apparait du coup comme un anonyme s'exprimant au nom de la masse (si certains prisonniers sont en désaccord avec ses actions, tous le sont avec ses revendications). Les idées de Dunn le rendent sympathique mais ses manières de faire créent une distance qui permet à Siegel d'aborder une morale assez ouverte et dont même l'inévitable conclusion pessimiste est finalement très nuancée puisque l'émeute aura été médiatisée et aura permis à la population de se rendre compte de la réalité de l'enfer carcéral.



En revanche, plusieurs maladresses de construction viennent légèrement diminuer l'impact du récit. La partie durant laquelle le reste de la prison se révolte juste après la cellule 11 est maladroite puisque dans la mesure ou nous ne sommes familiarisés avec aucun des prisonniers en question, leur longue rixe contre les gardes n'a guère d'intérêt. Certains changements de tactique de Dunn sont amenés un peu brutalement et la voix-off introductive est quelque peu envahissante. Pour autant, Les révoltés de la cellule 11 est un beau film dont le propos n'a pas pris une ride et dans lequel Neville Brand, acteur plus habitué à jouer les sbires cogneurs (Le Quatrième homme, Mort à l'arrivée) réalise une belle prestation dénuée de sensiblerie. Pour conclure, citons un brillant dialogue dans lequel le Colonel s'en prend à un maton pourtant juste avec les prisonniers :

 "- Je n'ai jamais frappé personne, et je n'ai jamais fait de favoritisme.
- Oui, pour toi un prisonnier n'est qu'un prisonnier, alors que nous sommes tous très différents. En prison, la seule chose qui compte est de préserver son identité, et toi tu contribues à la détruire."

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