dimanche 29 juin 2014

Du sang sur la Tamise (John Mackenzie, 1980)



Harold Shand (Bob Hoskins), un chef mafieux londonien, doit conclure avec des américains un important accord qui assurera l'essor économique de Londres. Mais les attaques contre Harold se multiplient : la voiture de sa mère explose, l'un de ses plus proches conseillers est retrouvé mort tandis que sa femme Victoria (Helen Mirren) et lui échappent de peu à une bombe.

Tout le monde connait les grands classiques mafieux américains signés Scorsese, Coppola ou De Palma. Beaucoup moins nombreux sont ceux qui ont pu voir leurs homologues britanniques, au premier rang desquels vient le chef d'oeuvre de Mike Hodges : La Loi du milieu. Sans atteindre le même niveau, Du Sang sur la Tamise réussit à conjuguer une trame bien connue (le vieux mafieux qui après une longue période de paix voit son empire lui échapper progressivement) à un très fort encrage politique. La souveraineté britannique est régulièrement soulevée par Harold pour justifier un capitalisme agressif, avec en ligne de mire le système américain (quelques années avant l'axe Thatcher-Reagan) mais aussi le marché commun européen qu'Harold appelle de ses vœux lors d'un discours faisant quelque peu froid dans le dos. Toute cette arrogance insensible à un climat social qu'elle provoque (Harold méprise les immigrés et se plaint de ne plus retrouver le Londres d'antan) n'est pas sans rappeler certaines thématiques du Scarface de Brian De Palma, Tony comme Harold étant en quête d'une respectabilité que sa violence n'aide pas à atteindre. Le changement générationnel est également évoqué par le biais de Jeff, l'adjoint d'Harold et seul membre de son entourage à avoir fait des études, mais qui conjugue en réalité l'ambition et la brutalité.



Comme Hodges, Mackenzie est un cinéaste ayant beaucoup travaillé pour la télévision anglaise ; son style y est assez transparent et il serait mensonger de voir dans Du sang sur la Tamise un grand film sur le plan formel. Mais ce qui pourrait ailleurs apparaître comme un ensemble de défauts rédhibitoires (une sobriété du montage qui vire à l'académisme, une photo terne et sombre) convient plutôt bien au milieu évoqué, celui des docks londoniens et des mafieux tristement banals. Loin de l'approche opératique d'un Leone ou d'un Coppola, Mackenzie filme un homme qui n'est rien de plus qu'une petite frappe ayant réussi à s'élever dans la hiérarchie. Les quelques instants de grande brutalité fonctionnent impeccablement (les hommes suspectés d'avoir trahi suspendus par les pieds dans une chambre froide, la lacération à la machette, l'explosion de colère d'Harold) et le scénario réserve juste assez de surprises pour tenir les deux heures, avec notamment la difficile cohabitation entre mafieux anglais et terroristes irlandais. Mais si l'on doit nommer une seule bonne raison qui ferait de Du sang sur la Tamise un film incontournable, il est évident que l'on ne peut passer sous silence l'incroyable duo d'acteurs.



Helen Mirren incarne un personnage inhabituel au sein de la saga mafieuse, celui d'une femme forte qui est l'un des plus importants soutiens de son mari, qui n'hésite d'ailleurs pas à lui confier des taches essentielles. Par sa diplomatie et son calme, elle contrebalance efficacement l'impulsivité d'Harold et l'intensité de jeu apportée par l'actrice est déterminante. Mais c'est Bob Hoskins, acteur talentueux mais souvent sous-employé, qui trouve le rôle de sa vie dans une sorte de version anglaise de l'Edgar G. Robinson du Petit César, ou du James Cagney des films de Raoul Walsh. Nerveux, paternaliste et brutal, il se fond dans son personnage avec une aisance qui n'a rien à envier aux grandes heures de Brando, Pacino ou De Niro. Pour ceci, pour sa clairvoyance politique et sa sécheresse qui valut à Mackenzie des ennuis avec la censure anglaise, on pardonnera l'absence d'un style qui aurait suffit à transformer un excellent film en grande oeuvre cinématographique.

Egalement connu sous les titres suivants : Racket, The Long good friday et Le Vendredi rouge.

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