vendredi 6 juin 2014

Lady Yakuza 1 : La pivoine rouge (Kosaku Yamashita, 1968)



Après l'assassinat de son père, Oryu (Junko Fuji) décide de devenir une yakuza. Joueuse itinérante, elle sauve un homme de Kumasaka (Tomisaburo Wakayama) lors d'une rixe mais devient elle-même la cible de représailles. A son tour secourue par Katagiri (Ken Takakura), un yakuza solitaire et mutique, elle découvre que celui-ci est le meurtrier de son père.

A priori, voir une femme tenir le rôle principal d'un film de yakuzas pourrait indiquer une variation sur le thème des héroïnes vengeresses dont Meiko Kaji fut au Japon la plus belle incarnation. Mais Oryu n'a rien des tueuses froides que sont Sasori ou Lady Snowblood ; au contraire, elle est douce, calme, mesurée et n'emploie la violence que lorsque la négociation a échoué. Avant d'être une justicière, elle est une conciliatrice et par son honnêteté et son sens du devoir, elle apparaît d'abord comme une version féminine du héros des Brutal tales of chivalry (dans lesquels Fuji et Takakura jouaient déjà). Grosso modo, Fuji Junko reprend le rôle de Ken Takakura qui quant à lui hérite du personnage bon et désintéressé victime de sa loyauté à un mauvais clan joué habituellement par Ryo Ikebe.

Vu de loin, pas grand chose de nouveau sous le soleil. Pourtant, le scénario de Noribumi Suzuki - également metteur en scène du second volet - réussit à présenter un nombre conséquent de personnages et d'intrigues. On est donc face à une Oryu à la recherche du tueur de son père, qu'elle prend pour Katagiri, lui-même lié par son serment envers l'assassin ; l'adjoint d'Oryu, amoureux d'elle, refuse de se marier pour ne pas abandonner celle-ci, également convoitée par Kumasaka dont l'homme de confiance ne parvient à épouser la femme qu'il aime que grâce à l'aide d'Oryu ! Tout ces éléments sont isolément déjà vus mais leur cumul rend le film un peu moins balisé que certains ninkyos même si certaines pistes sont assez mal exploitées, notamment celle de l'homme balafré par Oryu qui se révèle en fin de compte totalement inutile.



Comme pour les Brutal tales of chivalry, il y a une surabondance de bons sentiments qui frôle parfois la mièvrerie et qui pourrait être difficilement supportable sans le talent des acteurs. Takakura et Fuji sont égaux à eux-mêmes et si la plupart des seconds rôles sont corrects, le cabotinage de Wakayama et de sa " sœur " est en revanche assez pénible. On note aussi une grosse faute de gout franchement gênante : le personnage du fils attardé dont la bêtise est sans cesse surlignée par son accoutrement ridiculement occidentalisé et sert de prétexte à un humour bas-du-front mâtiné de racisme. Autrement, la manière dont Wakayama est évacué du récit est quelque peu abrupt mais permet au scénario de se concentrer sur le plus intéressant : les rapports ambigus (respect ou amour ?) entre Fuji et Takakura, qui éclipsent facilement une trame " générale " autour de la mort du père de Fuji guère captivante.



Kosaku Yamashita n'est ni le meilleur ni le pire des artisans nippons et se révèle d'un talent variable. Les deux scènes d'action sont réussies, la première étant surtout un moyen de mettre en valeur la grâce de Junko Fuji et la seconde reprenant l'inévitable carnage de fin, relativement bien cadré et découpé. Hors-action, Yamashita semble plus doué pour composer de beaux plans que de belles scènes, et sa mise en scène manque considérablement de dynamisme notamment lors des longs dialogues filmés en plans fixes. Ce statisme empêche un récit déjà plutôt bavard de décoller et les flashbacks au ralenti ont quelque chose de plutôt gnangnan. Rien de désastreux toutefois, pour un ninkyo tout à fait regardable mais qui ne sort pas réellement du lot et se révèle même un cran en dessous des meilleurs Brutal tales of chivalry. Plutôt recommandé aux amateurs de grands sentiments exacerbés qu'à ceux du féminisme ultra-violent tendance Elle s'appelait scorpion.

Note : si les paroles changent et que le chanteur y est remplacé par une chanteuse, la musique de fin semble posséder exactement la même mélodie et le même rythme que celle des Brutal tales...

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