mercredi 11 juin 2014

Ali (Michael Mann, 2001)



Cassius Clay (Will Smith) devient Mohammed Ali après s'être converti à l'islam et poursuit son rêve de devenir champion du monde. Son refus d'être incorporé dans l'armée lors de la guerre du Vietnam lui vaut l'hostilité de la fédération, tandis que son amitié avec Malcolm X (Mario Van Peebles) est mise à mal par son engagement au sein de Nation of islam.

Ali est la première incursion de Mann dans le domaine du biopic, genre flirtant souvent avec l'académisme à force de passages obligés (le trauma d'enfance, les difficultés, la renonciation puis la réussite) que Mann décide ici d'élaguer, voire d'évacuer du récit. Le nombre d'ellipses est extrêmement important et on peut voir se dessiner une tendance qu'on retrouvera notamment dans Public Enemies, l'autre biopic de Mann : celle de préférer les blancs narratifs aux justifications artificielles. Ali est ruiné ? Nous ne saurons jamais le pourquoi du comment, il est ruiné, simplement. Ali est exclu de la Nation of islam ? On ne verra rien des conséquences concrètes de cette exclusion. Et quand Malcolm X est tué, plus aucune mention n'est faite de lui comme pour enterrer toute psychologie facile, toute explication trop évidente. N'importe quel cinéaste aurait tenté de donner une raison extérieure à la défaite d'Ali contre Frazier qui en apparaît d'autant plus frustrante. Mann semble vouloir casser le rapport cause-conséquence et crée chez le spectateur un sentiment d'incertitude : Ali s'en prend à Frazier devant les journalistes, exprime son manque de respect envers lui puis la scène suivante les montre tous les deux, discutant avec une amitié réciproque évidente. D’ou un film qui échappe à pratiquement tous les travers les plus propres au biopic mais qui pour autant ne fonctionne pas réellement, en grande partie du fait que les protagonistes sont très peu attachants.



En effet, ni Ali ni son entourage ne suscite une réelle empathie. Les acteurs ne sont pas en cause, Will Smith et Mario Van Peebles réalisant de belles prestations, mais l'écriture de leurs personnages ne leur donne pas le relief attendu. La relation de couple entre Ali et sa femme est sans doute le plus plat et le moins convaincant de tous les rapports amoureux filmés par Mann, tandis que les rapports entre Ali et la religion ne sont pas réellement approfondis. Les scènes autour de la déchéance de Jamie Foxx dans la drogue sont inutiles et les rares moments ou Ali s'humanise un peu sont les rencontres avec le journaliste incarné par Jon Voight ou, les deux protagonistes entretiennent une relation de complicité amusante. En revanche, si la dimension émotionnelle est ratée, les combats sont tous de grands moments de bravoure ou Mann prouve qu'il est aussi talentueux pour filmer un match de boxe qu'une fusillade, mais il serait mensonger de prétendre qu'en dehors Ali n'arrive pas à se trouver par instants (l'assassinat de Malcolm X, la belle mais trop longue découverte du Zaïre). Excepté une dernière scène ou l'usage du ralenti flirte avec le pompiérisme, Ali est sur le plan de la mise en scène tout à fait virtuose et digne de ses illustres prédécesseurs Heat et Révélations ; il est simplement beaucoup moins touchant.



Les limites apparaissent d'autant plus quand Mann utilise des images du vrai Mohammed Ali qui semblent détonner avec le reste du film, comme si le boxeur se refusait à être mis en scène par quelqu'un d'autre. Ali semble au final une incursion hors-polar moins convaincante que Le Dernier des mohicans, plus personnelle et plus homogène mais moins forte et ne trouvant pas la grâce des dernières minutes de son film d'aventures. C'est d'autant plus dommageable qu'Ali n'est pas un ratage comme La Forteresse Noire ou LA Takedown et dispose de bons nombres d'atouts cinématographiques non négligeables comme une bande-originale impeccable (Sam Cooke) ou une photographie magnifique signée Lubezki. Mais il est permis de préférer des œuvres moins virtuoses mais plus attachantes, et dans la filmographie du cinéaste d'avoir plus d'affection pour les imparfaits Comme un homme libre ou Le Solitaire que pour cet Ali en demi-teinte.

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