Paul Cartwright (Jimmy Lydon), un adolescent, fait un rêve dans lequel son père décédé le met en garde contre son assassin qui se trouve être également l'homme qui courtise la mère de Paul, Brett Curtis (Warren William). Paul décide de mener son enquête dans les dossiers de son père mais s'isole de plus en plus de son entourage, captif de la forte popularité de Curtis.
Nous rejoindrons sans hésiter Bertrand Tavernier lorsqu'il admet son scepticisme devant le résumé qu'Ulmer donne de son propre film (une oeuvre anticipant le Psychose d'Hitchcock, on a bien cherché aussi mais on ne voit aucun rapport entre les deux) tout comme lorsqu'il remarque en revanche la forte parenté de Strange Illusion avec l'Hamlet de Shakespeare, le tout mâtiné d'un évident freudisme qui pour le coup rappelle effectivement certains films d'Hitchcock des années 40 (La Maison du Docteur Edwardes en tête). Le mélange fonctionne bien, et en dépit de son budget de toute évidence restreint Ulmer parvient à créer un film noir psychologico-onirique qui sans être totalement abouti a pour lui le mérite de l'originalité : on n'a vu d'atmosphère équivalente nulle part dans le film noir.
Série B oblige, la distribution n'est pas la plus prestigieuse vue dans un film noir. Si le jeu de Jimmy Lydon est limité, au moins son personnage d'adolescent n'est pas encombré de la plupart des poncifs associés à la jeunesse (il est mature, intelligent et pour tout dire, pratiquement adulte dans sa tête). Warren William est très bien en salaud courtoisement menaçant ; le fait qu'il soit non seulement un assassin mais aussi un pédophile aurait pu apparaître comme une grosse lourdeur du scénario mais sert surtout à accroître la menace qui pèse a priori sur Paul et sa mère aux autres personnages vulnérables du film : la sœur de Paul, Dorothy, et sa petite amie Lydia. Ses perversions sont de plus suggérées assez finement (on ne le voit jamais à l'écran avoir une attitude réellement agressive sexuellement). Sans jouer mal, le reste du casting fait le minimum syndical sachant que leurs personnages ne nécessitent pas non plus une interprétation exceptionnelle.
Disons quelques mots sur la fin, sans conteste une des plus atypiques du film noir. Elle est à la fois logique - elle répond à l'introduction - et ouverte, ce qui laisse planer le doute sur le sort de Paul. Si chacun en conclura ce qu'il voudra, il semble qu'y voir un happy end comme le fait Tavernier est très excessif, puisqu'au contraire la quête de Paul le conduit à rejoindre ses rêves et donc à quitter, au moins métaphoriquement, le monde des vivants. Strange Illusion n'est pas une merveille du niveau de Détour (l'une des meilleures séries B des années 40) mais reste un très bon cru Ulmerien au sein d'une carrière extrêmement inégale et mériterait certainement une plus ample reconnaissance... Dont acte.
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