Megan Turner (Jamie Lee Curtis) est devenue policière après en avoir longtemps rêvé. Dans un magasin, elle fait face à un preneur d'otages qu'elle abat losqu'il refuse d'obtempérer. Un courtier, Eugene Hunt (Ron Silver) vole l'arme du braqueur et Megan est suspendue faute de pouvoir prouver que celui-ci était armé.
Passons rapidement sur le flic joué par Clancy Brown, conventionnel et inintéressant ; le psychopathe incarné par Ron Silver est en revanche plus atypique. Là ou tous les personnages masculins renvoient Megan à sa condition " naturelle " de faible femme victime (son père qui n'accepte pas son choix de devenir policière, le flirt potentiel qui se détourne pour la même raison) Ron Silver la prend au contraire pour une sorte de déesse froide et violente qui prendrait plaisir à tuer. Ce qui rend Blue Steel intéressant, c'est qu'il ne confronte pas un monde de la normalité à un élément perturbateur mais qu'au contraire celui-ci n'est que le reflet inversé d'une pression sociale. Ron Silver n'est d'ailleurs pas un maniaque hystérique mais un homme non dénué de charme (il séduit l’héroïne assez facilement quand celle-ci est fragilisée). Bigelow a souvent montré des personnages hésitants entre deux groupes (Aux frontières de l'aube, Point Break) qui n'arrivent à trouver leur identité qu'en s'arrachant à leurs emprises respectives. Il est étonnant de voir que Bigelow et Red ont fait de Silver un courtier en affaires et dans la mesure ou il est parfois montré au travail (sans sembler pour autant malheureux), il est difficile de déterminer si sa folie est ou non liée à son milieu professionnel et tout en évitant l'écueil du pensum démonstratif, le duo alourdit quelque peu le film par ces séquences qui finalement demeurent assez floues.
Blue Steel cède également à quelques facilités narratives (l'appartement de Jamie Lee Curtis est un vrai moulin, l'attitude de sa hiérarchie est d'une stupidité exagérée) mais il y a toutefois un talent évident pour ce qui est de capter l'atmosphère froide de New-York et la solitude urbaine. La photo bleutée et l'usage des ralentis rappellent quelque peu les Mann des années 80 et ces derniers choquent moins que ceux du Solitaire ou du Sixième sens car plus pertinents dans une dramaturgie forte comme celle de Blue Steel. Il y a une tentation du vigilante-movie, genre qu'un autre talentueux cinéaste new-yorkais nommé Abel Ferrara avait également déconstruit avec l'Ange de la vengeance, mais Bigelow est quant à elle plus attachée aux personnages qu'aux situations excessives ce qui réduit très légèrement sa force ici : on ne ressent pas tout à fait le fait que l'héroïne puisse basculer dans la violence comme Hunt lui demande. Néanmoins, Blue Steel est une réussite qui a pour tort principal d'avoir été réalisé entre deux œuvres encore plus abouties.
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