Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
mercredi 24 décembre 2014
Sept secondes en enfer (John Sturges, 1967)
Wyatt Earp (James Garner) et Doc Holliday (Jason Robards) affrontent les Clanton à OK Corral. Ike Clanton (Robert Ryan) se venge en mutilant Virgil Earp et en faisant assassiner Morgan Earp. Devant l'impuissance des recours légaux et la forte influence de Clanton, Wyatt décide de faire justice lui-même.
Règlements de comptes à OK Corral de John Sturges se termine par la fusillade-titre durant laquelle le clan Earp abat les Clanton ; Sept secondes en enfer démarre juste avant mais le déroulement change considérablement. Ainsi, Ike Clanton fuit le combat - ce qui est historiquement véridique - et sa lutte contre les Earp s'intensifie encore après le duel. Le Ike Clanton de Robert Ryan n'est pas le bandit vociférant ou l'idiot dangereux des représentations traditionnelles mais un être sournois, malin et subtil. Il n'est pas plus brutal que Wyatt Earp et petit à petit Sturges parvient l'air de rien à les rapprocher l'un de l'autre lorsque la vendetta menée par Earp le conduit à se radicaliser. L'accent est mis sur les conséquences légales des meurtres, sur une lutte pratiquement politique entre les deux clans qui se battent par shérifs, juges et avocats interposés. Ces moments tirent parfois en longueur mais Sturges est le premier réalisateur à mettre autant l'accent sur cet épisode réel de l'histoire (les Earp furent accusés d'homicide après la fusillade) ; en ce sens, le cinéaste a su prendre conscience de la température de son époque marquée par la contre-culture, l'avènement du western italien ou les débuts de Sam Peckinpah. Là ou un Howard Hawks apparaitrait comme franchement en retard sur l'air du temps (El Dorado, Rio Lobo) Sturges réussit une belle synthèse en relisant Règlements de comptes à OK Corral d'une manière plus sombre et plus désenchantée.
On sait désormais que la fameuse fusillade d'OK Corral fut un massacre et que les Earp agirent en bouchers (Wyatt ouvrit le feu ; Tom McLaury n'était pas armé, Ike Clanton et Billy Claiborne s'enfuirent, Holliday n'hésita pas à tirer dans le dos...). Faute de remettre totalement les pendules à l'heure, Sept secondes en enfer nous montre un Wyatt Earp sombre, froid et peu sympathique loin des prestations d'Henry Fonda ou Burt Lancaster. Le film est extrêmement dégraissé, tant dans son scénario (pas de femmes, pas d'intrigues secondaires) que dans sa mise en scène, à l'image de l'introduction durant laquelle Sturges n'utilise qu'une demi-douzaine de plans pour présenter l'affrontement. Certains seront repris par la suite (notamment dans le Tombstone de Cosmatos) mais sans conserver l'apurement de Sept secondes en enfer qui fait sa force et sa faiblesse : il est pratiquement impossible de s'attacher à qui que ce soit et la belle démystification opérée par Sturges bloque l'émotion. Garner et Robards ne sont pas mauvais mais la dimension mortifère de leurs personnages fait qu'on les regarde parfois s'agiter de loin. D'un point de vue plus narratif, il est quelque peu dommage de voir Sturges insister sur le recrutement de Turkey Creek et Texas Jack pour ne rien faire de ces personnages (Earp accomplissant la vendetta pratiquement à lui seul).
En dépit des quelques réserves que l'on vient d'évoquer, Sept secondes en enfer est un des westerns américains les plus convaincants des années 60. Le score de Jerry Goldsmith est magnifique tout comme la photo de Lucie Ballard. L'introduction est à montrer dans toutes les écoles de cinéma et si le film est quelque peu avare en action, les duels sont tous de beaux moments de tension (notamment celui entre Earp et Warshaw ou éclate la fureur de Wyatt) ; l'influence italienne se sent dans la manière dont Sturges a quelque peu rallongé la durée des affrontements tout en restant très sobre - il suffit de comparer aux films de Kasdan et Cosmatos -.
Au-delà de l'inévitable comparaison entre les mérites de l'un et de l'autre, enchainer Règlements de comptes à OK Corral et Sept secondes en enfer montre comment à l'instar de John Ford un cinéaste peut évoluer et présenter les mêmes mythes sous une forme plus ambiguë. Sans être aussi convaincant sur la longueur que Le Dernier train de Gun Hill ou Un homme est passé, Sept secondes en enfer est un excellent Sturges.
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