lundi 1 décembre 2014

Le Dollar troué (Giorgio Ferroni, 1965)


Le sudiste Gary O'Hara (Giuliano Gemma) revient de la guerre de Sécession. Il cherche à rejoindre son frère Phil mais n'a plus d'argent. Un notable, McCoy (Pierre Cressoy) engage O'Hara pour le débarrasser d'un bandit, qui s'avère être Phil. Les deux frères sont abattus mais Gary survit grâce à une pièce dans laquelle la balle s'est figée. Il juge de se venger.

Si Pour une poignée de dollars fut l'un des plus gros succès du box-office italien en 1964, l'année suivante serait quant à elle celle de l'imposition claire et nette du western transalpin. Et pour quelques dollars de plus de Sergio Leone, l'Adios Gringo de Giorgio Stegani, les deux Ringo de Duccio Tessari et ce Dollar troué occuperont les cinq premières places du classement (avec Giuliano Gemma dans quatre d'entre eux !). Comparativement à Leone ou même à Tessari, Ferroni reste extrêmement sage. Le Dollar troué ressemble plus à un parent pauvre des collaborations entre Anthony Mann et James Stewart qu'aux grands opéras mis en musique par Morricone. Il demeure un manichéisme presque enfantin dans lequel un héros pourvu de toutes les qualités passe pratiquement une heure avant de tirer sur quelqu'un, là ou ses comparses Ringo ou Sartana aligneraient les cadavres. L'attachement à une certaine psychologie est aux antipodes de l'évolution d'un genre ou les pistoleros deviendront de plus en plus fantomatiques, figures christiques (Keoma) suspectées d'être la réincarnation du Diable (Le Grand silence), parfois ressuscités depuis leur tombe (Tire encore si tu peux). Au contraire, Gary est tout ce qu'il y a de plus humain : il souffre - beaucoup -, se trompe a plusieurs reprises, est capturé, torturé... Au moins Ferroni arrive t-il à mettre son héros en danger, et Gary se révèle un peu plus subtil que la plupart des héros italiens dans ses stratagèmes pour se débarasser de ses ennemis (belle idée que celle des pistolets aux canons sciés).



Ce n'est pas que Le Dollar troué soit dénué de qualités. Il pourrait même sans doute plaire à un allergique aux excès de violence et aux surhommes invincibles, mais le fait est qu'en respectant autant la tradition américaine du western vengeur, le film de Ferroni se place en concurrence directe avec eux. Le côté délirant du genre lui permet souvent de trouver un ton unique ; le classicisme un peu planplan ne fait que mettre les yeux du spectateur en face de lacunes (une reconstitution un peu toc, une photo pas transcendante) qu'on aurait mieux acceptées de la part d'une oeuvre plus originale. Le scénario a beau réserver ce qu'il faut de traîtrises, de rebondissements, d'assassinats crapuleux et de mise en danger d'innocents, on reste avec le sentiment que tout cela a déjà été raconté en mieux par le cinéma américain et Giuliano Gemma, qui sortait du tournage d'Un pistolet pour Ringo, semble beaucoup moins à l'aise avec son personnage de vengeur au cœur tendre qu'avec celui du sarcastique roi de la gâchette. De plus, la galerie de personnages unidimensionnels (Gary le preux, sa femme jouée par Ida Galli qui se retrouve toujours en détresse, le notable détestable incarné par Pierre Cressoy) ne permet pas aux acteurs de briller tant leurs motivations sont conventionnelles.



Le Dollar troué aide à comprendre un fait historique souvent oublié : si Sergio Leone, faute d'être à l'origine du genre, lui donna ses premiers grands films, il faudra en réalité attendre 1966 et l'impact du flamboyant Django de Sergio Corbucci pour que le western italien réussisse à s'émanciper totalement de la tutelle américaine (les années 1967-1968-1969 constitueront l'apogée du genre). En attendant, des artisans consciencieux comme Ferroni réaliseraient quelques grands succès populaires dont la timidité apparaît aujourd'hui comme datée, et qui fait de ce Dollar troué un film convenable mais très peu marquant pour peu qu'on le découvre à l'âge adulte. On notera un des rares aspects ouvertement léoniens : le très beau générique de départ animé très proche de ceux de la trilogie des dollars.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire