lundi 24 mars 2014

Brutal tales of chivalry 5 (Masahiro Makino, 1969)


Hanada (Ken Takakura) et Kazama (Ryo Ikebe) se battent en duel après le meurtre de l'oyabun du second par le premier. Hanada remporte le duel en tranchant le bras de son adversaire et passe cinq ans en prison. A sa sortie, il trouve son clan disloqué tandis que Kazama, abandonné par le sien, est devenu un ivrogne. Les deux hommes semblent néanmoins dénués de rancune l'un envers l'autre.

Etant donné que les Brutal tales of chivalry possèdent tous sensiblement la même trame narrative, il est nécessaire d'apprécier les petites différentes entre épisodes afin d'en discerner l'évolution. Deux ans ont passé depuis Brutal tales of chivalry 4 et petit à petit s'opère dans le cinéma japonais une révolution cinématographique avec l'apparition du jitsuroku-eiga, films de yakuzas " réalistes " détachés du code d'honneur traditionnel qui trouvera son point culminant dans les années 70. Il est certainement de plus en plus difficile pour les producteurs de présenter des yakuzas chevaleresques dont Ken Takakura fut la plus célèbre incarnation et cet opus vient subtilement prendre acte de la tendance puisqu'aux sempiternels Takakura et Ikebe dans leurs rôles habituels (ils possèdent les mêmes noms que dans Brutal tales of chivalry 4, mais il ne s'agit pas des mêmes personnages, les films étant comme toujours indépendants les uns des autres) s'ajoute cette fois un yakuza solitaire louant ses services au plus offrant, sorte de version moderne des rônins cyniques des années 20. Signe particulier, il utilise une arme à feu, jusqu'ici l'apanage des méchants ; cette façon de doter un personnage du bon coté d'une arme ne respectant pas les codes traditionnels montre bien la conscience des producteurs de la nécessité de faire entrer les yakuzas dans une ère ou de Baby Cart à Lady Snowblood en passant par la femme scorpion de la série Sasori, les héros se révéleraient de plus en plus sombres et ambigus.



C'est aussi le premier cas ou les trois acteurs principaux (Takakura, Ikebe et Junko Fuji) font l'objet d'un vrai triangle amoureux : Ikebe et Fuji sont mariés mais la déchéance de son époux dans l'alcool pousse Fuji à se réfugier dans les bras de Takakura, sans que ni elle ni lui ne sache qu'il est celui qui a estropié Ikebe. Il fait ainsi partie des films de la saga au moteur dramatique le plus efficace puisque le cœur du film réside dans la manière dont deux personnages chargés d'un passif on ne peut plus lourd arriveront à se battre l'un à coté de l'autre ; pour le reste, on retrouve les éléments traditionnels : une bagarre entre clans pour la possession d'une carrière comme dans Brutal tales of chivalry 2, un jeune couple qui fera les frais de la colère des mauvais yakuzas et évidemment le meurtre du bon oyabun par le clan ennemi, avec pour originalité le fait que l'oyabun en question soit joué par rien de moins que Takashi Shimura, le charismatique Kambei des 7 samouraïs de Kurosawa ! Son humanité et son charisme font merveille, et dans la mesure ou les membres du trio récurrent demeurent fidèles à eux-mêmes, on peut dire que cet épisode contient le plus beau casting des cinq premiers volets de la saga.



Le combat final est là encore plus court que ceux des films de Saeki mais bien plus réussi que celui du quatrième volet. Il est un peu dommage que le handicap de Ryo Ikebe ne soit pas plus exploité - rappelons qu'en 1969, les wu xia pian avec Jimmy Wang Yu en sabreur manchot cartonnent en Chine - mais la vitalité de la mise en scène d'un cinéaste pourtant âgé de plus de soixante ans emporte largement le morceau. Loin des meilleurs opus des sagas Zatoichi ou Baby Cart, ce cinquième volet est de ceux qu'on a pu voir le plus réussi avec le troisième et fait regretter de ne pas disposer à l'heure ou j'écris des 4 derniers (d'autant plus qu'on y retrouve Saeki et Makino à la mise en scène). Toutefois, on quitte cette saga avec un agréable sentiment, celui d'avoir vu faute d’œuvres totalement achevées de bons moments de cinéma populaire nippon aussi désuets qu'agréables.

Titre original : Shôwa zankyô-den: Karajishi jingi

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