jeudi 25 septembre 2014

Les Quatre de l'apocalypse (Lucio Fulci, 1975)



Les habitants d'une petite cité décident d'éliminer tous les hors-la-loi et lancent une véritable épuration. Quatre rescapés sont épargnés et forcés de quitter la ville ensemble : un joueur, Stubby (Fabio Testi), une prostituée, Bunny (Lynne Frederick), un mystique noir, Bud, et un alcoolique, Clem. En chemin, ils rencontre Chaco (Tomas Milian), un bandit charismatique.

Lors de sa sortie en DVD, Les Quatre de l'apocalypse subit des critiques assez fortes n'hésitant pas à le qualifier de navet. Le fait d'accompagner un trio de grands classiques du genre, Django, Keoma et El Chuncho, ne joua certainement pas en faveur d'un Fulci qui faisait bien pale figure en comparaison. Toutefois, son revisionnage des années plus tard amène à tempérer ce jugement initial : bien que très inférieur au Temps du massacre du même réalisateur, bien que rempli de maladresses formelles et scénaristiques, Les Quatre de l'apocalypse n'est pas la nullité attaquée ici et là.

Mais est-ce vraiment un western ? Fulci prend à contre-pied la quasi-totalité des stéréotypes du genre. Il n'y a qu'une seule fusillade, celle introductive. Fabio Testi n'a rien d'un tireur d'élite, et n'agit que durant les cinq dernières minutes... pour tuer un homme désarmé de sang-froid. Les personnages sont tous extrêmement inhabituels, notamment Bud le simplet noir parlant aux cadavres ; la trame générale est plutôt celle d'un road movie et certains aspects (le look très Che Guevara de Chaco, les moments de nudité sans gène) rappellent la contre-culture hippie. Finalement, moins qu'à une quelconque histoire de cow-boys, on pense parfois au très noir Avere vent'anni de Fernando Di Leo qui sonnerait également le glas d'une certaine contre-culture.



Le problème, c'est qu'il est extrêmement difficile de comprendre ou Fulci veut en venir, tant les scènes peinent à former un ensemble cohérent. Les rencontres se succèdent (la ville puritaine, les mormons accueillants, le psychopathe Chaco puis les mineurs humanistes) sans réellement se répondre les unes aux autres et la brutalité du montage n'arrange rien : il arrive de passer d'une scène de dispute à une scène de rire sans la moindre transition. S'ajoutent à tous ces défauts une photographie atroce à la lumière surexposée (difficile de reconnaître le Fulci de l'Au-Delà ou de Frayeurs), une mise en scène bas de gamme abusant des zooms et une musique folk complètement inappropriée. Mais au sein de cet univers bancal jaillissent quelques moments saisissants tels que la torture du shérif par Chaco, l'extraordinairement violente scène d'introduction, le moment de cannibalisme ou les étonnamment touchantes confrontations entre Fabio Testi et Lynne Frederick. La gestion du groupe de quatre est également surprenante : au lieu de jouer sur leurs oppositions, Fulci montre toujours un groupe uni bien qu'hétéroclite, qui se serre les coudes en dépit de la violence du monde extérieure. L'empathie du cinéaste pour ses personnages marginaux est évidente et le contraste entre la violence du film et la douceur de son regard n'a que peu d'équivalents.



Il est donc difficile de juger sereinement un film aussi atypique, où deux fulgurances sont parfois séparées par un tunnel d'ennui (la séquence chez les mineurs est horriblement longuette), où le brio des acteurs (Milian et Testi sont excellents, Lynne Frederick ravissante) compense la grande pauvreté visuelle et ou les métaphores religieuses se marient difficilement avec les obsessions gores du cinéaste. Mais il y a une âme dans Les Quatre de l'apocalypse, une volonté de faire bifurquer un genre moribond vers des directions inattendues, de surprendre le spectateur. En ceci, Les Quatre de l'apocalypse vaut sans doute plus que la somme de ses qualités cinématographiques et fait partie de ces ratages audacieux pour lesquels on éprouve une réelle sympathie ; reste que l'association entre Fulci et Fabio Testi se révélera bien plus convaincante avec La guerre des gangs.

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