jeudi 15 mai 2014

Ringo au pistolet d'or (Sergio Corbucci, 1966)


Ringo (Mark Damon), un chasseur de primes, abat une fratrie de mexicains en n'épargnant que Juanito (Franco De Rosa), le plus jeune dont la tête n'était pas mise à prix. Ringo se rend dans une ville ou le shérif Norton (Ettore Manni), rigide et droit, finit par le jeter en prison. Dehors, Juanito s'allie à une bande d'apaches et compte bien obtenir sa revanche sur Ringo.

Passons rapidement sur un Ringo qui n'entretient guère de rapport tant avec le héros bondissant d'Un pistolet pour Ringo qu'avec le vengeur renfrogné du Retour de Ringo. Il s'agit d'un archétype qui n'a pratiquement pas de caractéristique propre en dehors des traits usuels du genre : chasseur de primes cynique et obsédé par l'or, Ringo ressemble fortement à une version discount du Clint Eastwood d'Et pour quelques dollars de plus. Même si Tessari changeait radicalement son personnage d'un film sur l'autre, au moins donnait-il le sentiment d'essayer de le rendre original et d'adapter sa mise en scène à sa personnalité. Corbucci semble pour le coup acquitter sa commande sans se préoccuper de maintenir l'intérêt du spectateur pour un des personnages les plus convenus et les plus fades du western italien - ajoutons que la calamiteuse prestation de Mark Damon n'aide pas beaucoup.



Plus intéressante est la place occupée par le film dans la prolifique filmographie westernienne de Sergio Corbucci, dont on oublie trop souvent qu'il filma des cowboys avant son collègue Sergio Leone. Ringo au pistolet d'or est le troisième western de Corbucci ; ses prédécesseurs relevaient d'un classicisme formel en forme d'imitation scolaire et guère inspirée de l'esthétique américaine. Au contraire, ses successeurs directs (Django et Navajo Joe sortiront quelques mois plus tard) poseront les jalons des futures marques distinctives de Corbucci : violence exacerbée, renversement des valeurs traditionnelles ainsi qu'un certain sadisme. On peut donc voir en Ringo au pistolet d'or une oeuvre de transition dans laquelle Corbucci hésite entre tradition et rupture, d'ou un film fondamentalement déséquilibré. Le shérif y est d'une absolue fadeur, vertueux et efficace, tandis que les indiens sont d'une cruauté gratuite bien plus manichéenne que celle de la majorité des westerns américains ; il est d'ailleurs très curieux de voir la différence de traitement que le cinéaste leur réserve entre ici et le résolument pro-indien Navajo Joe. En revanche, on trouve bien avant Desperado des tueurs cachant leurs armes dans des guitares, des bombes que notre héros envoie gaiement au milieu des ennemis ou des assassinats sanglants (notamment un à la hache) qui sont très loin de Gary Cooper. Formellement, Corbucci est plutôt dans un mauvais jour et le brouillon de sa mise en scène, acceptable dans ses films les plus délirants, s'accorde très mal avec l'aspect plus conventionnel de ce film-ci. Plus inhabituelle est sa relative mollesse, le tout semblant filmé et monté avec une apathie désolante de la part du réalisateur de Django, du Grand Silence ou de Companeros.


En dépit de son intérêt historique, Ringo au pistolet d'or est particulièrement décevant dans la mesure ou il n'est même pas au niveau des films d'un réalisateur de second plan comme Tessari. Il est également handicapé par la très mauvaise idée que constitue le fait de mettre Ringo en prison à mi-film et de faire de l'inintéressant shérif le héros jusqu'à ce que notre chasseur de primes se décide à reprendre la situation en main (voir la scène assez pénible ou après avoir désarmé les bandits venus le tuer dans sa cellule, Ringo décide... de rester en prison). Ni une partition très en deçà de ce qu'on pouvait en attendre ni une dernière demi-heure copiant sans imagination Rio Bravo ne viennent relever le niveau, d'autant plus que le scénario semble avoir été abandonné en route (les méchants qui devinent qui est la copine de Ringo parce qu'elle s'inquiète pour le fils du shérif, celui-ci qui n'essaye même pas de faire fuir sa famille hors de la ville). L'occasion de rappeler que parmi les trois grands Sergio du western spaghetti (Leone, Sollima et Corbucci), ce dernier fut de loin le plus prolifique et le plus inégal.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire