Ma mémoire vieillit avec moi aussi j'écris sur des films que je m'en voudrais d'oublier.
mercredi 4 février 2015
Le Dernier des salauds (Ferdinando Baldi, 1969)
Rafael (Peter Martell) survit à une embuscade commanditée par Anna (Luciana Paluzzi). Il trouve refuge chez un jeune homme, Sebastian (Leonard Mann) à qui Rafael raconte une étrange histoire : Sebastian serait en réalité le fils d'Anna, celle-ci ayant assassiné le père de Sebastian avec l'aide de son amant Tomas (Alberto de Mendoza).
Il n'y a pas moins de cinq scénaristes crédités au générique du Dernier des salauds, sans doute le western de Ferdinando Baldi le plus ambitieux sur le plan thématique. Après l'Odyssée dans Le Retour de Ringo, c'est au tour d'un mythe grec moins célèbre, l'Orestie d'Eschyle, de se voir transposé dans l'univers des cowboys sanguinaires. Leone avait d'ailleurs lui-même convoqué son héritage littéraire (Arlequin, serviteur de deux maîtres) et Hamlet, Ulysse ou Oreste trouveront tous une deuxième vie au sein d'une production plus frontale dans sa manière d'aborder ses mythes que ne pouvait l'être la concurrence américaine. Une autre influence moins évidente est celle du western ibérique, moins excessif et moins brutal que son cousin italien mais plus mélodramatique. Il y a ici une insistance très forte sur la psychologie des personnages, ainsi qu'une volonté d'exprimer violemment leur souffrance. Celle-ci se traduit notamment par de nombreux plans serrés sur le visage ravagé de Peter Martell, ainsi que sur un ajout thématique par rapport au mythe grec : Pylade/Rafael est ici non seulement amoureux d'Electre/Isabella, mais également castré sur ordre de Tomas/Egisthe, son désespoir étant notamment illustré par la scène ou une prostituée s'offre à celui qui ne peut que compenser son infirmité dans l'alcool.
Si Pylade sort donc grandi de sa réactualisation, cela n'est pas le cas pour ce qui est d'Oreste. En effet, si Peter Martell livre un bel effort de composition, on ne saurait en dire autant du très médiocre Leonard Mann qui possède plus de tenues différentes que d'expressions faciales. Par sa désespérante neutralité de jeu, il désamorce toute la tension dramatique accumulée et si on peut parfois pardonner un jeu médiocre dans des productions plus orientées vers l'action pure, celui-ci devient rédhibitoire dans un univers tragique. Les comédiens sont dans l'ensemble plutôt bons (mention particulière à Luciano Rossi en simplet et à Piero Lulli en brute épaisse, ainsi qu'à la beauté de Luciana Paluzzi) sans parvenir à transcender le film, excepté une Pilar Velázquez jolie mais calamiteuse. Il faut dire que Baldi ne semble savoir quoi faire d'Electre, à l'origine la réelle instigatrice de la vengeance de son frère ici réduite à jouer les utilités que Rafael et Sebastian viendront sauver. Parmi les points noirs du scénario, l'absence de justification réelle donnée à Anna lors de l'assassinat de son mari (dans la pièce, Clytemnestre venge le sacrifice de sa fille Iphigénie par Agamemnon) rend le personnage plus schématique et moins riche, tandis qu'un twist final de fort mauvais gout vient achever cette impression. Enfin, la présence de deux héros traités à peu près équitablement est parfois déroutante : après dix minutes introductives passées avec Rafael, celui-ci est momentanément relégué au second plan pour faire place un Sebastian moins attachant, pour mieux revenir plus tard...
En dépit du fait qu'il ne soit pas tout à fait à la hauteur de ses ambitions, Le Dernier des salauds est un western plutôt sympathique dans la bonne moyenne des réalisations de Ferdinando Baldi, réalisateur inégal capable à l'occasion de susciter l'intérêt (Django, prépare ton cercueil ou surtout son surprenant Blindman). A l'exception de quelques zooms peu gracieux, la mise en scène est de bonne qualité et l'affrontement final lors de l'incendie (le feu étant l'élément mélodramatique ultime, la catharsis durant laquelle la haine accumulée vient faire œuvre de destruction) se révèle tout à fait réussi. La musique de Roberto Pregadio parvient à se démarquer des scores morriconiens et une fois n'est pas coutume est employée plutôt judicieusement. Un film intéressant faute d'être enthousiasmant.
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