jeudi 28 août 2014

Passeport pour Pimlico (Henry Cornelius, 1949)


Le quartier londonien de Pimlico subit, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un rationnement drastique. Ses habitants découvrent, après l'explosion d'une bombe, une grotte dans laquelle est enfoui le trésor du duché de Bourgogne ainsi qu'un parchemin dans lequel il est démontré que Pimlico lui appartient. Rapidement, la population de Pimlico se revendique bourguignonne et fait sécession de l'Angleterre.

Passeport pour Pimlico est typique des comédies produites par les studios Ealing : un point de départ absurde (l'héritier de Noblesse Oblige qui doit assassiner toute sa famille, l'invention du tissu inusable dans l'Homme au complet blanc) traité sérieusement jusqu'au moment où la situation devient totalement chaotique. Cornelius signe ici son premier film après avoir co-écrit le magnifique Il pleut toujours le dimanche de Robert Hamer et sans égaler la force du triptyque Hamer-Mackendrick-Cavalcanti, il signe ici une comédie réjouissante au scénario particulièrement réussi.

Le paradoxe le plus amusant réside dans le fait que les personnages ne semblent jamais aussi anglais que lorsqu'ils prennent la nationalité bourguignonne, d'abord par jeu et pour se débarrasser de l'austérité de l'après-guerre, puis lors d'un véritable bras de fer contre les autorités britanniques. On les verra adopter la gastronomie française (visiblement peu convaincus) ou tenter une sortie militaire en hommage aux combattants bourguignons du XVème siècle ! Les habitants de Pimlico emportent la sympathie de par leur débrouillardise, leur insoumission et leur courage (ainsi le policier présenté comme un fonctionnaire zélé finira par couper les barbelés, le banquier par trouver la solution optimale pour résoudre les conflits ou encore les enfants entraîner la solidarité des Nations Unies qui finissent par envoyer à manger lorsque les désormais bourguignons se retrouvent affamés) et Cornelius parvient à faire vivre sa petite communauté, et à nous placer de leur côté en dépit de leur entêtement souvent grotesque.



Il serait hasardeux de visionner Passeport pour Pimlico en espérant y trouver des situations hilarantes, ou un comique aussi constant que celui des Monty Python ou des meilleurs films de Blake Edwards. En réalité, l'arrière-plan social n'est jamais très loin chez Ealing et l'évocation de la rudesse de la vie anglaise de l'époque (rationnement, couvre-feu, marché noir) n'est pas sans rappeler le regard désabusé d'Il pleut toujours le dimanche. Toutes les thématiques autour de l'indépendance sont abordées, avec notamment la politique protectionniste mis en place par Pimlico ou les tentatives de blocus des britanniques qui n'hésitent pas à assoiffer les habitants. Les images de barbelés sont d'autant plus gênantes lorsque l'on repense au mur de Berlin, ce qui donne au film de Cornelius un aspect prophétique puisqu'il n'était pas encore élevé en 1949. Mais l'équilibre n'est jamais rompu entre la satire social et le burlesque, entre le comique et le politique, les discussions parlementaires et les cochons en parachute.



Une qualité très appréciable également réside dans le rythme du film, qui semble aller à toute allure et n'a de cesse de passer d'une situation ridicule à une autre encore plus risible. Tout s'enchaîne très vite et Passeport pour Pimlico ne dure finalement que 80 petites minutes, là ou la plupart des cinéastes contemporains auraient probablement traité la même histoire en plus de deux heures.

D'avantage un film de scénario que de mise en scène, ce Passeport pour Pimlico ? Certainement. Sans couler son film loin s'en faut, Cornelius ne semble ici n'être qu'un artisan tout à fait compétent mais dénué de génie. Mais parfois, un script génial n'a pas besoin de Stanley Kubrick pour aboutir à un excellent film et la sobriété presque académique de Cornelius a le mérite de ne jamais perdre de vue son histoire. D'ou une des comédies Ealing les moins connues dans nos contrées qui mériterait pourtant, faute d'égaler Noblesse oblige ou l'Homme au complet blanc, d'être admise parmi les belles réussites du studio.

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