mardi 26 août 2014

Le Requin harponne Scotland Yard (Alfred Vohrer, 1962)



L'assassinat d'un homme sur la Tamise est attribué au célèbre Requin, un criminel se servant d'un harpon pour terroriser Londres. L'inspecteur Wade (Joachim Fuchsberger) enquête et sa traque le mène à un passionné d'aviron excentrique (Eddi Arent), à un marchand russe mystérieux (Klaus Kinski) ainsi qu'à une jeune fille un peu trop convoitée (Brigitte Grothum).

Une immense déception. Certes, les krimis étaient très loin de nous avoir convaincu jusqu'ici mais on mettait leur mollesse et leur apathie sur le compte de la mise en scène académique d'Harald Reinl. Son collègue et rival Alfred Vohrer, réputé plus inventif, s'en sort à peine mieux. Quelques plans de miroirs amusants et quelques jeux de reflets plutôt bien trouvés seront les seule audaces visuelle du film, les seules bouées de sauvetage jetées dans l'océan de l'ennui.

Même un mauvais film comme Le Mystère du château de Blackmoor avait pour lui une atmosphère à la lisière du fantastique, avec son château éponyme et ses marais. Ici il n'y a guère d'étrangeté et resserré sur son intrigue policière, le krimi perd l'un des rares aspects capables de lui donner un minimum de charme d'époque. Qui plus est, l'intrigue est aussi mal écrite que d'habitude, réussissant à être à la fois prévisible (le meurtrier qui est comme d'habitude la seule personne qui parait ne rien avoir à faire ici) et confuse (on ne comprend jamais qui fait quoi, pourquoi, dans quel but). On navigue donc entre enfants échangés, tueur au harpon, rameur comique, trafiquant russe, médecin légiste ambigu, capitaine de navire libidineux et sympathique policier, le tout semblant sortir d'un mixeur ou rien n'est imbriqué dans le reste avec un minimum de cohérence. A cet égard, le personnage du rameur joué par Eddi Arent est symptomatique : il n'est là que pour produire un comique plutôt laborieux et n'apporte strictement rien à une histoire déjà suffisamment tortueuse sans lui.



L'inévitable Joachim Fuchsberger est toujours aussi limité tandis que Brigitte Grothum est jolie mais guère convaincante. Eddi Arent est plus charismatique mais pâtit d'un humour qui fonctionne moins que celui qu'il amenait dans La grenouille attaque Scotland Yard. En revanche, Klaus Kinski prouve une énième fois sa capacité à vampiriser une scène à chacune de ses apparitions. A peine entre t-il dans le cadre qu'il parvient à instaurer un climat angoissant, et on regrette qu'il ait si souvent joué les seconds couteaux au sein des krimis alors qu'il était autrement plus fascinant que les têtes d'affiche. Pour le reste, l'avalanche de personnages et de sous-intrigues permet de meubler avec une certaine efficacité les 90 minutes même si les apparitions du Requin semblent un peu trop sporadiques. Les scènes d'attaques aquatiques sont plutôt bien réalisées et laissent planer un léger espoir sur la capacité qu'aurait Vohrer à faire un vrai bon krimi pour peu qu'il parvienne à laisser libre cours à son imaginaire, qui parait malgré tout plus intéressant que celui de Reinl. En l'état, la médiocrité du scénario et de la distribution ne permettaient de toute manière guère d'espoir, ce qui est d'autant plus frustrant que Le Requin harponne Scotland Yard est fréquemment cité parmi les meilleurs krimis.



Ce n'est pas tant, comme certains critiques l'ont dédaigneusement affirmé, que le krimi soit un genre plus idiot qu'un autre. Le script de Six femmes pour l'assassin de Mario Bava ou de certaines œuvres de Dario Argento n'est guère plus impressionnant que ceux des films adaptés d'Edgar Wallace. Son handicap, c'est que l'esprit du krimi, fortement imprégné du serial américain comme de l'influence de Louis Feuillade, nécessiterait une légèreté, une fantaisie qu'on peine à débusquer au sein de la proverbiale rigueur teutonne, tout comme les westerns allemands produits durant les années 60 feraient pale figure comparativement aux tentatives italiennes.

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