mercredi 13 août 2014

Du rififi chez les truands (Kinji Fukasaku, 1961)



Un mystérieux commanditaire (Tetsuro Tamba) fait chanter un espion coréen et deux soldats américains, l'un corrompu, l'autre ayant commis un meurtre. Son but est de former une association de malfaiteurs en vue d'un cambriolage. Mais très vite, les tensions se créent dans le groupe, accentuées par les compagnes des voleurs et par la haine raciale entre les différents protagonistes.

Premier film d'un des cinéastes japonais les plus importants des années 70, on ne peut guère voir dans cette entrée en matière les prémices de la grandeur à venir. Il serait exagéré de nier toute qualité à une oeuvre qui contient déjà la rage, l'anticonformisme et la violence qui rendront Fukasaku célèbre, mais le fait de frôler la parodie ou le pastiche diminue énormément l'impact de l'histoire ; on pense d'ailleurs parfois au premier roman de Manchette, Laissez bronzer les cadavres, également saturé d'outrances et d'ironie et dont le dandysme finissait par irriter. Il en va de même dans ce Fukasaku ou le schématisme et le cynisme conduisent à un malheureux détachement. Plus tard, le metteur en scène apprendra à filmer des hommes vils au sein d'un système encore plus détestable tout en conservant une part d'empathie pour ses anti-héros, mais pour l'instant le ton rigolard ne provoque qu'une mise à distance du spectateur.



Au départ, l'idée de confronter le cerveau japonais de la bande, un espion coréen et deux américains s'avère plutôt séduisante, d'autant plus que l'alliance entre les occidentaux est cassée par le racisme du blanc envers le noir. De plus, Fukasaku ne tombe pas dans la facilité en chargeant tout autant le japonais que ses confrères (il est même encore plus méprisable car si la méchanceté de ses comparses est quelque peu atténuée par leur bêtise, son intelligence renforce au contraire notre antipathie envers lui), et au final le seul gangster qui n’apparaît pas comme totalement détestable est probablement le GI noir. Toutefois, on ne peut pas dire que sa satire a la main légère ; ses personnages n'ont de cesse de se trahir les uns les autres, de faire preuve d'une lâcheté qui n'a d'égale que leur cupidité et les couples ne sont rien de plus que des duos de personnes voyant leur intérêt à s'associer... jusqu'à ce qu'une autre alliance plus profitable ne se profile à l'horizon. Certains personnages sont outrageusement caricaturaux (le coréen, le GI blanc et sa femme), aspect qui est renforcé par le jeu catastrophique des acteurs américains. Tetsuro Tamba lui-même est loin de ses grands rôles mais la plus grande déception est certainement à chercher du côté de la mise en scène. Certes, on ne saurait reprocher à un cinéaste d'avoir fait ses gammes à l'aide d'un certain classicisme (le beaucoup plus réussi Hommes, porcs et loups sorti peu de temps après sera également loin des débordements visuels propres à ses films de yakuzas) mais ici la platitude domine l'ensemble et Fukasaku ne parait même pas capable de soutenir la comparaison avec les polars français de seconde zone signés Grangier ou Verneuil.



Une autre faiblesse réside dans un certain remplissage autour de la première heure du film, durant laquelle le cinéaste peine à créer une tension. Le fait que l'on sache dès le départ que les personnages se détestent et qu'on ne doute jamais du fait qu'ils feront de toute manière le casse ensemble crée une distance et les interminables conflits se suivent et se ressemblent, parfois de manière gratuite (ainsi, la femme du GI blanc qui séduit Tetsuro Tamba, ce qui ne sert à rien puisqu'elle sera tuée avant de pouvoir faire quoi que ce soit).
En revanche, la dernière demi-heure dans laquelle Fukasaku abandonne toute psychologie pour se lancer dans un carnage aussi jouissif que démesuré nous empêche de quitter le film sur une impression totalement négative, car faute de donner vie à ses personnages, le cinéaste aura su compenser par leurs morts explosives (parfois littéralement) où l'outrance devient pour le coup réellement euphorisante.

Du Rififi chez les truands est un Fukasaku dans lequel celui-ci ne s'était encore trouvé ni formellement ni thématiquement, mais qui demeure un divertissement convenable pour peu que l'on parvienne à oublier ses grands film à venir. A noter qu'il existe également sous le titre Gangsters en plein jour.

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