Le loup des Malveneur s'inscrit dans un contexte, celui de l'Occupation, qui donna lieu à un certain nombre d’œuvres tendant plus ou moins vers le fantastique ; on pense en premier lieu à La Main du diable de Maurice Tourneur, ou aux Visiteurs du soir de Marcel Carné. Mais si ces films sont ancrés dans une très forte tradition culturelle française, celui de Guillaume Radot peut au contraire être perçu comme une descendance quelque peu bâtarde des films de monstre américains de la Universal et particulièrement du premier Frankenstein de James Whale, dont on retrouve un certain nombre d'archétypes visuels (le château lugubre, le savant fou, la créature maléfique, les paysans décidés à en découdre). Mais la comparaison est bien rude pour Radot et jamais son film n'atteint l'ampleur de son modèle ou d'autres successeurs plus convaincants de celui-ci - quand on parle de savants fous, Les Yeux sans visage de Franju parait relativement indépassable -. En revanche, en adaptant plutôt intelligemment un grand mythe du fantastique et en le mélangeant de manière cohérente à un univers français rural, Radot attire une certaine sympathie car Le loup des Malveneur, tout bancal qu'il soit, fait partie de ces tentatives qui transpirent la bonne volonté et l'affection pour le genre fantastique.
Deux éléments empêchent Le loup des Malveneur de fonctionner réellement. D'abord, le scénario est trop léger et en dépit d'une durée relativement réduite de 80 minutes, le film tente à plusieurs reprises de combler l'absence d’événements significatifs par un jeu sur les ambiances (le bruit du vent, les hurlements de loup, les silences pesants) qui ne fonctionnent qu'à moitié, ainsi que par une intrigue sentimentale relativement inintéressante entre l'héroïne et un peintre un poil pénible. Le retournement de situation final est également visible à trois kilomètres à la ronde (franchement, qui peut sérieusement imaginer que Pierre Renoir n'apparaisse que le temps d'une scène introductive ? ). Second problème, les dialogues extrêmement littéraires ne sont pas désagréables à entendre mais déréalisent complètement l'histoire : à partir du moment ou les acteurs semblent être des comédiens de théâtre plutôt que des figures crédibles de châtelains, on peine beaucoup à croire en leurs personnages d'autant plus qu'ils semblent être assez mal à l'aise avec les répliques en question. Il est d'ailleurs significatif de constater que si ils s'en tirent assez moyennement lors des passages très dialogués, ils sont en revanche excellents dès qu'il s'agit d'adopter un jeu plus naturel ou simplement moins verbeux.
Pour autant, Le loup des Malveneur n'est pas sans qualités. Le charme de Madeleine Sologne, le regard hébété de Pierre Renoir comme la dignité rigide de Gabrielle Dorziat font largement effet. La photographie de Pierre Montazel et les excellents décors - point sur lequel le film de Radot n'a rien à envier à ses homologues américains - sont tout aussi appréciables, comme la très bonne partition musicale. Mais il manque au film un souffle, une grâce. Il est possible qu'à trop vouloir insister sur la dimension poétique de son oeuvre, Radot en ait fini par oublier de construire quelque chose d'un tant soit peu effrayant, ou même plus simplement de correctement rythmé. Le loup des Malveneur n'est pas un mauvais film mais il se regarde avec un œil plus respectueux qu'emballé ; il reste en tout cas l'une des rares tentatives de fusion entre traditions américaine et hexagonale qui ne cède ni à un hermétisme " artistique " ni au désolant jeunisme idiot qui plombe une grande partie des essais fantastiques contemporains. Pas un classique à redécouvrir mais une sympathique curiosité.
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